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Comment les députés ont utilisé les 81,6 millions d'euros mis à leur disposition

Exclusif. Le détail de la réserve parlementaire des députés pour 2013, mis en ligne pour la première fois, révèle une normalisation des pratiques, même si quelques inégalités persistent.

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Publié le 29 janvier 2014 à 12h01, modifié le 29 janvier 2014 à 20h55

Temps de Lecture 3 min.

Quelque 81,6 millions d'euros de subventions, exposées sur 246 pages A4 et 10 939 lignes de tableaux… La plongée dans le détail de l'attribution de la réserve parlementaire de l'Assemblée nationale, cette enveloppe distribuée aux députés pour qu'ils aident au financement d'associations ou de projets municipaux divers, a quelque chose de vertigineux. Mais, au moins, elle est désormais possible.

Pour la première fois, l'Assemblée a rendu publique et mis en ligne, mercredi 29 janvier, l'intégralité de l'utilisation de sa réserve pour 2013, conformément aux vœux de son président, Claude Bartolone (PS).

Si le principe même de la réserve (qui n'est autre que de l'argent public) peut rester contestable, force est de constater que son emploi s'est normalisé. Si, en 2013, les Français ont découvert que l'ancien président UMP de l'Assemblée Bernard Accoyer avait disposé, à lui seul en 2011, d'une réserve de près de 12 millions d'euros, de telles pratiques ne sont aujourd'hui plus possibles.

Les instances dirigeantes de l'Assemblée ont procédé à la répartition suivante dans la distribution des enveloppes globales aux groupes parlementaires: 520 000 euros pour le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone, 260 000 euros pour chaque vice-président de l'Assemblée, président de groupe et de commissions, 140 000 euros par membre du bureau de l'Assemblée, et 130 000 euros par député, soit un total de 81,6 millions d'euros, en baisse de 10 % par rapport à 2012. Charge ensuite aux présidents de groupe de les répartir comme ils l'entendent, certains décidant de favoriser les circonscriptions les plus pauvres, d'autres, les élus les plus assidus.

Fini donc les jackpots à 12 millions mais quelques inégalités persistent. Ainsi, Gilles Carrez, président UMP de la commission des finances, déjà épinglé l'année dernière pour avoir reçu une enveloppe de 3,85 millions d'euros à distribuer, s'en sort avec une réserve totale de… 786 500 euros. Dont, encore une fois, une large partie (500 000 euros) allouée au financement de projets dans la commune de 33 000 habitants dont il est le maire, Le Perreux-sur-Marne (Val-de Marne).

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Plus largement, le nombre d'occurrences de certains mots dans les descriptifs de projets financés montre que la réserve est souvent utilisée pour pallier le manque de moyens des collectivités: 408 fois pour « rénovation » de divers bâtiments communaux, 379 pour « église », 187 pour « voirie », 41 pour « éclairage public ».

Le président du groupe UMP, Christian Jacob, a par exemple utilisé 60 000 de ses 271 000 euros pour aider au financement, du « renouvellement des équipements informatiques des services municipaux et du parc des véhicules municipaux » de sa commune de Provins (Seine-et-Marne). Autres présidents, autres pratiques, avec le centriste Jean-Louis Borloo (Nord), qui n'a utilisé que sa réserve de député (129 400 euros) et de manière très rationnelle: 30 000 euros tout rond répartis entre diverses associations nordistes, et sept fois 14 200 euros pour des projets dans sept communes de sa circonscription.

Bruno Le Roux (Seine-Saint-Denis), président du groupe socialiste, plafonne à 260 000 euros, entièrement versés à des associations dont 150 000 euros à l'association parisienne Les Petits Citoyens, qui promeut l'éducation civique et l'esprit critique auprès des enfants. De son côté, l'Assemblée nationale (qui dispose d'une réserve institutionnelle propre de 5,5 millions, laissée aux bons soins du président, Claude Bartolone) a notamment reversé 50 000 euros à la crèche Baby-Loup (Yvelines), qui avait été au cœur d'une polémique pour avoir licencié une employée voilée.

L'examen approfondi de l'utilisation de la réserve révèle également quelques utilisations plus insolites, comme celles qu'en a fait l'UMP Olivier Dassault (Oise). A son nom sont associées pas moins de 43 communes dans lesquelles il a financé des micro-projets. Ainsi, Mory-Montcrux a bénéficié de 650 euros pour acquérir une « tondeuse gyro-débroussailleuse », Esquennoy de 550 euros pour acheter un « logiciel pour gestion du cimetière », et Le Mesnil-Saint-Firmin a été aidée de 700 euros pour l'« installation d'un rideau métallique à la salle municipale ». Enfin, 890 euros ont également été alloués pour la « création d'un point d'éclairage afin de sécuriser l'accès à une maison » construite au bout d'une rue de la commune de Ménévillers, 104 habitants.

Grosses subventions ou micro-projets, « les pratiques changent » veut-on croire à la présidence de l'Assemblée, avec « plus d'équité et une transparence qui empêche tout clientélisme ». Mais il y a fort à parier que ces flux de dizaines de millions d'euros, issus de la poche du contribuable, continueront malgré tout de susciter incompréhension et suspicion chez la plupart des Français.

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