La mise en œuvre d’un mécanisme européen d’assurance chômage pourrait constituer une première étape plutôt consensuelle vers la création d’un budget européen, selon une note du Conseil d’analyse économique.
L’idée d’une assurance chômage européenne au sein de la zone euro fait son chemin. Les besoins d’une politique budgétaire renforcée de la zone euro pour faire face aux chocs systémiques demeurent contrariés par le manque d’appétence des États membres pour davantage d’intégration économique.
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Mais la mise en place d’une assurance chômage commune à la zone euro et dotée de moyens propres pourrait constituer une avancée mettant tout le monde d’accord, approfondir la zone euro et la doter d’un véritable volet social.
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« Cette proposition d’assurances chômage serait par exemple moins difficilement envisageable par les Allemands que la coordination des politiques budgétaires », affirme Agnès Bénassy-Quéré, membre du Conseil d’analyse économique et une des co-auteurs de la note « Quelle Union budgétaire pour la zone euro ? ».
Autre avantage, une telle assurance pourrait se construire comme une extension sociale du mécanisme européen de stabilité (MES) et donc à traité constant. Une approche indispensable au moment où une révision des traités est exclue au sein de l’UE.
Exemple américain
Publiée le 18 février, la note co-rédigée par l’économiste du CAE ainsi que Xavier Ragot (OFCE) et Guntram Wolff (Bruegel) défend la mise en place de ce système européen d’assurance-chômage en s’appuyant notamment sur l’exemple du système américain, où un mécanisme du même type existe déjà au niveau fédéral.
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L’assurance fédérale américaine a apporté un soutien aux États d’environ 0,4 % de PIB par an entre 2008 et 2011, soulignent les auteurs. « Aux États-Unis, ce système a fonctionné malgré une forte hétérogénéité des niveaux d’indemnisations en fonction des États en fournissant 20 semaines d’indemnisation supplémentaires aux chômeurs d’États en difficulté », souligne Xavier Ragot.
En effet, les indemnisations chômages – dont la durée est beaucoup plus courte qu’en Europe- varie de 30 % du salaire dans l’Illinois à 60 % dans le New Jersey.
« Un tel mécanisme peut surtout jouer le rôle d’un stabilisateur automatique et permet de lisser les cycles » explique Xavier Ragot.
Système de crise
Dans la pratique, l’assurance chômage européenne prendrait donc le relais des systèmes nationaux, mais seulement en période de crise, pour allonger la période d’indemnisation.
L’aspect non-systématique du système éviterait ainsi d’organiser un dispositif de transfert permanent de pays comme dont les taux de chômage sont faibles, comme l’Allemagne, vers ceux où ils sont élevés comme l’Espagne, ce qui serait « politiquement inacceptable », prévient Xavier Ragot.
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Avec un tel système, le chômage structurel ne serait pas inclus, car le déclenchement du mécanisme européen n’interviendrait que dans le cas d’une aggravation notable du chômage. « Avec son taux de chômage élevé mais assez stable, la France ne serait pas forcément bénéficiaire de ce fonds » explique Agnès Bénassy-Quéré.
Harmonisation préalable
Si les disparités du système américain peuvent paraitre comparables à celle des États membres de la zone euro, une convergence des différents marchés du travail semble nécessaire.
« Il est difficile d’envisager une assurance chômage européenne sans une harmonisation minimale préalable des marchés du travail » soulignent les trois auteurs, et cette convergence « prendra du temps » reconnait la note.
Autre frein, la question de la capacité d’emprunt du mécanisme. « La question qui se pose en filigrane est : est-ce que ce fonds pourrait être en déficit ? S’il n’y est pas autorisé, il risque de ne pas pouvoir faire face à des périodes de crise. Mais à l’averse s’il peut s’endetter, cela veut dire qu’il pourra de fait émettre de la dette européenne –soit des eurobonds » explique Agnès Bénassy-Quéré.
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