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Les Grandes Gueules

Crise de l'agriculture: "Qu'on arrête de servir la soupe aux gros de l'agro!"

Isabelle Saporta, ce lundi dans les Grandes Gueules.

Isabelle Saporta, ce lundi dans les Grandes Gueules. - RMC

La journaliste Isabelle Saporta, auteure du livre-enquête sur la crise agricole Foutez-nous la paix !, était l'invitée des Grandes Gueules ce lundi. Exemple à l'appui, elle a raconté comment les normes tuaient les petits agriculteurs, tout en faisant le jeu des industriels.

Savez-vous combien il y a de normes sanitaires ou administratives en France ? 400.000 ! Un chiffre astronomique qui a inspiré à la journaliste Isabelle Saporta le titre de son dernier essai, Foutez-nous la paix ! (éd. Albin Michel), qu'elle a présenté ce lundi dans les Grandes Gueules. La journaliste n'en est pas à son coup d'essai, puisque c'est son troisième livre sur les dérives de l'agriculture, après Vino Business en 2013, et le Livre noir de l'agriculture, en 2011.

"Une brigade de la hauteur de l'herbe"

Sur RMC, Isabelle Saporta a énuméré quelques-unes des aberrations dont se plaignent les petits agriculteurs ou producteurs, en crise depuis plusieurs mois. "Vous êtes éleveur de poulet en banlieue parisienne, et vous n'avez pas le droit de vendre à la cantine de votre village. Pourquoi ? Parce que vous n'avez pas votre agrément sanitaire. Pourquoi ? Parce qu'il y a trop de bottes dans le local préposé aux bottes, parce que le clou pour accrocher la pelle pour ramasser les plumes est de travers. Ou alors c'est parce que votre tablier est bleu, alors qu'il doit être blanc".

Autre exemple, dans la viticulture, où "il y a une brigade de la hauteur de la végétation concurrentielle. C'est une brigade de la hauteur de l'herbe ! Il y a des gens dont la mission est de mesurer la hauteur de l'herbe sous les vignes. Et quand l'herbe est trop haute, la parcelle est déclassée, et le vigneron perd l'appellation". "C'est débile, juge Isabelle Saporta, parce qu'il n'y a par contre aucune règlementation pour mettre des herbicides toxiques au pied des vignes".

Et n'allez pas croire que toutes ces normes absurdes sont dictées par l'Union Européenne. "On n'a pas besoin de Bruxelles pour faire des bêtises", rétorque la journaliste. 

"Tous ces ministres devraient aller à la ferme"

Autant de normes qui font le jeu des industriels, au détriment des petites exploitations. "Le poulet dont les os se détachent aisément, c'est du poulet industriel, élevé en batterie. Ce poulet respecte toutes les normes. Par contre, l'éleveur qui fait du poulet en plein air, c'est un guerrier", qui doit faire face, sans jeu de mot, à toute une batterie de normes.

D'où ce coup de gueule de la journaliste : "Il faut quand même qu'on cesse de les enquiquiner (ces petits producteurs). Les politiques devraient l'entendre. Qu'on arrête de servir la soupe aux gros de l'agro, aux industries, et qu'on soutienne ce qui fait le maillage social et rural en France. A un moment, nos élites oublient un peu que la France n'est pas que Paris". Et de leur donner un conseil : "Tous ces ministres devraient aller à la ferme pour avoir un peu plus de pragmatisme !"

Philippe Gril avec les GG