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Tribune 24 février 2016

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Lettre ouverte à Emmanuelle Cosse

Bénédicte Monville-De Cecco, conseillère régionale d’Île de France EELV et élue à Melun demande à la nouvelle ministre du logement, Emmanuelle Cosse «d’assumer jusqu’au bout les conséquences de (s)on choix». «Se mettre en retrait ce n’est pas démissionner d’Europe Ecologie Les Verts et tu n’as pas non plus démissionné du groupe que nous formons au Conseil Régional d’Île de France. (...) C’est aussi une question de dignité politique.»

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Chère Emmanuelle,

Tu as pris la décision d’accepter la proposition qui t’était faite de devenir ministre du logement dans le gouvernement de Manuel Valls sous la présidence de François Hollande. Tu nous as expliqué que cette décision était personnelle et tu as souhaité te mettre en retrait d’Europe Ecologie-Les Verts. Tu savais, en effet, que nous aurions été nombreux-ses à ne pas accueillir la nouvelle avec plaisir.

Parce qu’en entrant au gouvernement tu soutiens de fait ses politiques anti-écologiques. Il y eut d’abord le non respect des engagements sur Fessenheim et la poursuite de l’EPR de Flamanville. L’abandon de l’écotaxe et le maintien d’une fiscalité avantageuse pour le Diesel. Puis, il y eut la mort de Rémi Fraisse. La poursuite des grands projets inutiles et cette proposition d’un référendum sur l’aéroport Notre Dame des Landes qualifié de « jeu de dupes » par les premier-e-s concerné-e-s. Mais aussi les boues rouges à Marseille, le scandale d’Areva, le soutien à l’agriculture productiviste et aux fermes usines.

Parce qu’en entrant au gouvernement tu cautionnes ses politiques anti-démocratiques et l’émergence d’un état sécuritaire. Il y eut les expulsions des Roms et des sans papiers et les déclarations inadmissibles de Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, bientôt intronisé premier ministre. Les renoncements sur les mesures promises pour limiter les contrôles aux faciès et le harcèlement policier dont sont victimes les jeunes de banlieue. Puis, la prolongation de l’état d’urgence, une première fois, une deuxième fois, et sa constitutionalisation avec la déchéance de nationalité, une loi discriminatoire de division de notre société. Et, les persécutions des migrant-e-s à Calais, l’absence de solidarité avec les pays du sud de l’Europe face à la crise migratoire, la négation de fait des principes humanistes qui constituent la meilleure part de nous-mêmes. Bientôt, il y aura la réforme du code de procédure pénal qui donnera aux policiers le droit d'autodéfense et le permis de porter leurs armes en dehors du service. 

Parce qu’en entrant au gouvernement tu cautionnes ses politiques anti-sociales. Il y eut le CICE, 50 milliards d’euros versés aux entreprises et l’absence de revalorisation du SMIC. La poursuite d’une politique de restriction budgétaire et des collectivités locales qui augmentent les impôts et le prix des services. Puis, la première loi Macron, le travail du dimanche, la libéralisation des transports en autocar, une première remise en cause des dispositions légales de protection des salarié-e-s et les condamnations de syndicalistes qui défendaient leur droit au travail. Aujourd’hui, il y a la loi El Khomri ; le démantèlement du code du travail, la remise en cause des droits des syndicats, la possibilité pour les entreprises de faire travailler leurs salarié-e-s jusqu'à 12 heures par jour et 46 heures par semaines, d’augmenter le temps de travail sans augmenter les salaires et de licencier les salarié-e-s qui s’y opposent.

En faisant le choix d’entrer dans ce gouvernement, tu soutiens des valeurs contraires aux nôtres et à ton histoire. Cette histoire qui d’Act’up à Regards a permis que résonne cette voix « dissidente » et « insolente » que tu as portée jusqu’à devenir notre secrétaire nationale. A l’époque, tu n'aurais eu que mépris pour ce gouvernement là. Certes, une femme politique est toujours libre de ses positions et peut s’opposer aux résolutions prises par son parti, même, sans doute, quand elle en a incarné la parole en tant que secrétaire nationale pendant plusieurs mois. Mais cela relève, en effet, d’un choix personnel qui doit être clairement dissocié de notre parti. C’est à toi d’en tirer toutes les conséquences. « Se mettre en retrait » ce n’est pas démissionner d’Europe Ecologie Les Verts et tu n’as pas non plus démissionné du groupe que nous formons au Conseil Régional d’Île de France. Il t’incombe d’assumer jusqu’au bout les conséquences de ton choix. C’est aussi une question de dignité politique.