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6 signes que les Français décrochent de la politique

Chaque année depuis 1975, l'institut Sociovision interroge près de 2000 Français âgés de 15 à 74 ans pour mesurer l'évolution de leurs attitudes avec une batterie de 4000 questions portant sur tous les domaines. Ces études alimentent aussi bien la réflexion du gouvernement ou des partis que celle des entreprises. Pour la présidente de Sociovision, Marie-José Forissier, l'une des évolutions les plus marquantes des trente dernières années est la prise de distance des Français avec la politique. Ce peuple naguère hyperpolitisé reste, selon elle, «toujours passionné par la politique» mais «c'est le monde politique qui ne lui convient plus». A un peu plus d'un an d'une élection présidentielle qui risque d'être le révélateur de cette crise du politique, nous avons retenu de ces enquêtes, avec le recul d'une décennie, six indicateurs particulièrement inquiétants.

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Par Henri Gibier

Publié le 26 févr. 2016 à 01:01

01 Un sentiment d'abandon Ce n'est pas nouveau, les Français se sentent ignorés et peu compris de leurs élites politiques. Un problème qu'incarne tout particulièrement aujourd'hui la détresse des agriculteurs. Il y a un demi-siècle, le politologue de Princeton, Gabriel Almond, diagnostiquait «le maintien défectueux de la frontière entre la société et le système politique en France». Comme le montre la courbe de Sociovision, en dix ans, ce sentiment d'abandon n'a fait que croître, à une exception près: l'année 2007, celle de l'entrée en campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Performance exceptionnelle, le candidat Sarkozy réussit à ramener autour de 60% la part des Français persuadés qu'aucun politique ne s'occupe d'eux. Sa non-réélection en 2012 se lit dans la remontée presque immédiate de la courbe - encore une que François Hollande n'a pas inversée. Quatre ans plus tard, huit sondés sur dix se disent oubliés par les politiques, un record absolu.

02 Ni la gauche, ni la droite Le pays qui a inventé le clivage entre la droite et la gauche, avec la Révolution française, éprouve de plus en plus de mal à choisir son camp. Dans la dernière enquête de Sociovision, 46% des Français se revendiquent nulle part. La gauche est en déclin, surtout à la suite des déceptions du quinquennat Hollande: en dix ans, elle est passée de 27 à 22%. La droite gagne du terrain, elle a grimpé de 16% en 2005, durant la fin de règne délétère de Jacques Chirac, à 24% en 2015-16. Etre dans l'opposition raffermit le sentiment d'appartenance, mais le niveau reste bas. On remarquera que le centre n'en profite pas, contrairement aux espoirs nourris par François Bayrou. Pas difficile d'imaginer où se sont réfugiés les déçus de la gauche et de la droite...

03 Le rejet massif des partis Bien peu d'institutions trouvent grâce aux yeux des Français sur le critère de l'intérêt général. Seules celles qui sont les plus proches d'eux font mieux que la moyenne: les maires, les petites entreprises et les mutuelles... Les grandes entreprises, pourtant accusées souvent d'être devenues mondialisées, sont mieux classées que syndicats et politiques. Ensuite, c'est la dégringolade, avec quelques surprises: aux yeux de nos compatriotes, le gouvernement est moins au service de tous les Français que les grandes entreprises, et les syndicats moins que les banques! Etonnante aussi la place où sont relégués les nouveaux acteurs de l'économie numérique ou collaborative: réseaux sociaux, plateformes type AirBnB ou Uber... Mais le comble du discrédit est atteint par les partis: seuls 15% des sondés estiment qu'ils servent en bien la collectivité.

04 Le logiciel idéologique cassé Signe que le «logiciel politique» de la France ne fonctionne plus, l'idée d'une candidature hors partis pour la présidentielle de 2017 n'apparaît plus saugrenue. On plébiscite Emmanuel Macron (photo), homme de gauche avec des idées économiques «de droite». L'écroulement, en 2015, du nombre de ceux qui pensent que « la différence droite-gauche signifie quelque chose d'important» est spectaculaire: dix points!

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05 Une soif de pragmatisme L'homme politique français, comme le soulignait déjà en 1974 le plus francophile des politologues américains, Stanley Hoffmann, est habité par «l'envie de produire des concepts comme des tranches de saucisson». Comme le montre le débat surréaliste sur la déchéance de nationalité, cela ne s'est pas amélioré. Or c'est tout le contraire que demandent les Français, qui réclament à près de 80% plus de pragmatisme. Dans la même enquête, ils approuvent également à 80% la formulation d'une autre question selon laquelle «avec la multiplication des lois dans tous les domaines, on se sent en France de moins en moins libre». Cette demande de pragmatisme, couplée à un appel à une pause dans l'inflation législative, est forte depuis dix ans, sans qu'aucun parti n'en ait tenu compte...

06 L'avènement du cynisme électoral Terrible constat: pour presque un Français sur deux, l'efficacité compte plus que l'intégrité chez les politiques. Les exemples ne manquent d'ailleurs pas d'élus ayant maille à partir avec la justice qui passent haut la main l'épreuve des urnes - Patrick Balkany, le maire de Levallois, en tête (photo). Ce sont les jeunes qui se montrent les plus «cyniques»: ils sont 57% à privilégier l'efficacité sur l'honnêteté! C'est peut-être le signe le plus alarmant de la perte de toute illusion...

Par Henri Gibier

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