Gilles Lellouche : “C'est flagrant, les femmes ont des rôles de potiches ou de castratrices”

Actrices, producteurs, réalisatrices… A l'occasion d'un dossier sur le sexisme ordinaire à Hollywood et dans l'audiovisuel français, publié cette semaine dans le magazine, “Télérama.fr” donne la parole à celles et ceux qui s'y confrontent chaque jour. Pour l'acteur et réalisateur Gilles Lellouche, le cinéma français reste machiste, sinon misogyne, et dominé par les stéréotypes sexuels.

Par Guillemette Odicino

Publié le 25 février 2016 à 09h30

«Evidemment qu’il y a encore un sexisme délirant dans le cinéma français ! J’ai vécu avec certaines actrices, donc j’ai été témoin de choses atroces. Un réalisateur, parce qu’il a une scène d’amour prévue dans son film, demande à l’actrice de se mettre toute nue dans son bureau pour voir comment il va la filmer. Je ne suis pas sûre qu’on en demande autant à un acteur… Et si elle refuse, c’est la guerre pendant deux mois : il est désagréable avec elle pendant tout le tournage.

Je trouve aussi très hypocrite l’emballement que l’on peut avoir autour d’une jeune actrice pendant deux ou trois ans. Si peu d'entre elles, au final, passent la rampe des trente ans. Le cinéma veut du sang frais à tout moment. Il y a trop souvent, dans leur parcours, un trou noir entre trente et quarante-cinq ans. Je n’aurai pas l’indélicatesse de les citer, mais il y a énormément de très bonnes comédiennes qu’on ne voit plus, tout d'un coup. Les acteurs, eux, sont beaucoup moins victimes de cette “lessiveuse”.

Et les rôles ! C’est flagrant : les femmes sont soit des potiches soit des castratrices. Dans la comédie française, c’est toujours l’homme qui fait rire et la femme qui rit. Le cinéma est bourré de stéréotypes. Prenez une scène de famille : la femme est la mère hyper maternelle pénible ou la virago qui hurle sur ses enfants. Et dans les comédies romantiques, les rôles sont gnangnans. Comme si les réalisateurs avaient du mal à envisager la femme comme un être noble, complexe et égal à l’homme. Il faudrait qu’ils se remettent de leur adolescence  : oui, on s’est tous fait briser le cœur par une femme à un moment ou à un autre, mais il faut dépasser ça ! C’est ce que nous voulions faire, Jean Dujardin et moi dans Les Infidèles : montrer à quel point le macho est pathétique. Mais le film a été incompris. Nous étions naïfs : bizarrement, traiter de l’adultère de manière crue et grinçante, n’est pas bien vu… Surtout par certains hommes.

L’actrice est un objet de désir, mais le problème est qu’il y a les réalisateurs élégants et les autres.

Les actrices sont discrètes sur leur vie privée et à juste titre car une actrice très amoureuse intéresse moins un réalisateur qu’une actrice célibataire. Je peux comprendre : un film est une affaire de charme, de possession, une bulle où le réalisateur veut avoir l’actrice rien que pour lui. Il faut quand même rappeler que le cinéma est le seul métier où tout le monde se fait la bise sans se connaître ! L’actrice est un objet de désir, mais le problème est qu’il y a les réalisateurs élégants et les autres. Il y a beaucoup de vulgarité dans le monde du cinéma, hélas. Un jour, un réalisateur m’a demandé de choisir ma partenaire dans un film en ces termes : “Avec quelle actrice veux-tu coucher ?” Il plaisantait, soit disant. Je n’ai pas fait son film.

Il n’y a pas assez de femmes dirigeantes dans ce métier. Très peu de distributrices. Tout ça est encore trop tenu par des mecs. Mais j’ai le sentiment que ça bouge. Fanny Herrero a écrit le scénario de la série à succès Dix pour cent, Audrey Diwan celui de La French. Je me réjouis qu’il y ait de plus en plus de cinéastes femmes. Mais 21 %, que je sache, ce n’est pas 50 % ! Certaines réalisatrices plus anciennes, par exemple, ont disparu sous prétexte qu’elles ont loupé un film. Je pourrais vous citer des dizaines de noms de réalisateurs qui font des films chers, mauvais, sans succès, mais qui, eux, continuent à tourner… »

Retrouvez l’intégralité de notre dossier dans “Télérama”, en kiosques mercredi 24 février 2016.

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