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François Hollande en primaire contre le chômage - Présidentielle 2017

François Hollande le 1er mars lors de sa visite de la start-up française Showroomprive.
François Hollande le 1er mars lors de sa visite de la start-up française Showroomprive. © AFP / POOL / Christophe Ena
De notre envoyé spécial en Polynésie et en Amérique du Sud Bruno Jeudy , Mis à jour le

La primaire, François Hollande est en train de la disputer contre les chiffres du chômage. Son seul adversaire d’ici à 2017.

Il lui aura donc fallu traverser les océans et atteindre « le bout du monde » pour ressentir un peu de bienveillance. Entendre des « bravo François ! », des applaudissements et croiser des regards gentils et respectueux, rassemblés entre les îles de Wallis-et-Futuna, de Tahiti et Raiatea, ces confettis de la République éparpillés dans le Pacifique Sud. C’est dans ce « bout de la France », selon son expression, que François Hollande a trouvé un éphémère moment de répit, alors que sa fin de mandat ressemble à un interminable chemin de croix. Que les sifflets et les huées des paysans résonnent comme une jacquerie avant licenciement. Que l’appel des organisations de jeunesse à manifester le 9 mars contre son projet de réforme du Code du travail prend des allures de rupture avec les jeunes, qu’il avait pourtant placés au centre de ses préoccupations électorales en 2012. Enfin, que sa popularité replonge vers les abîmes .

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Faut-il avoir la mémoire courte pour ne pas se souvenir qu’avant lui François Mitter­rand a aussi été sifflé et ­chahuté ; que Jacques Chirac a été moqué et s’est fait cracher dessus ; que Nicolas Sarkozy a été insulté. Mais François Hollande cumule les records : sifflé, moqué, insulté et, plus grave, pas respecté.

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François Hollande interpellé au salon de l'agriculture
Le 27 février. Un éleveur interpelle durement le président au cours d’une visite mouvementée de cinq heures en compagnie de Stéphane Le Foll. © Nicolas Tavernier/Sipa

Tout ça, le chef de l’Etat le sait. Dans la salle à manger de l’avion présidentiel qui le conduisait en Polynésie, dimanche 21 février, il a relativisé : « J’ai connu des périodes plus agitées. Des contestations, il y en aura dès qu’on évoque des sujets comme le Code du travail. » Aimable et d’humeur égale, cet éternel optimiste ne montre aucun signe d’agacement, ni d’abattement. Content de lui. Justifiant sa longue tournée : « J’avais promis de visiter les onze territoires d’outre-mer. Mission accomplie ! » Seule la perspective d’être pris en photo affublé de colliers de fleurs et de tenues folkloriques le tracasse : « Je compte sur votre sens de la nuance », glisse-t-il échaudé par les commentaires goguenards après les photos le montrant en fourrure, coiffé d’une chapka lors d’un voyage au Kazakhstan.

Les huées des paysans résonnent comme une jacquerie

Après une petite nuit à bord, il passe en revue les sujets qui fâchent : la crise agricole, les chiffres du chômage, la loi El Khomri… « Elle va sans doute être votée en juin ou en juillet, 49.3 ou pas. Mais je sais bien qu’elle ne fera pas baisser le chômage dans l’immédiat. Ce sont les baisses de charges et le plan de formation professionnelle qui produiront de rapides effets. Non, cette loi, je la fais pour poser un nouveau modèle social, enjamber 2017, travailler pour après. » Un après avec ou sans lui. Le président laisse un blanc et se garde bien d’évoquer 2017, sinon pour dire encore qu’il ne se représentera que si le chômage baisse. Son renoncement – le premier pour un président sortant – constituerait un aveu d’échec terrible. Et ouvrirait « une guerre abominable à gauche », commente un ministre en Amérique du Sud. « C’est encore avec Hollande qu’on a le plus de chance, à condition que Sarkozy soit candidat », estime ce membre du gouvernement. Ses conseillers relaient cette petite musique d’un président prêt au sacrifice. Le secrétaire général de l’Elysée, Jean-Pierre Jouyet, l’assure très sérieusement à ses visiteurs : « Regardez-moi bien dans les yeux, il n’ira pas si ça ne s’améliore pas. » Un conseiller complète : « La primaire, il est en train de la disputer contre les chiffres du chômage. »

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Hollande en Polynésie
Le 22 février. A bord d’une pirogue d’apparat, il aborde le marae de Taputapuatea, enceinte sacrée selon la tradition polynésienne. © GREGORY BOISSY / AFP

A Wallis puis Futuna, le président assiste, stoïque, à deux longues cérémonies d’accueil. Le ciel est menaçant mais, coup de bol, il échappe au cyclone ­Winston. L’île de Futuna et ses 3 000 habitants, qui n’ont jamais vu de président de la République depuis leur intégration à la France en 1959, ont été épargnés. Cravate impeccable, visage concentré, le président lutte contre le sommeil tout en remontant le temps. La magie des fuseaux horaires lui permet de vivre deux lundis 22 février. Sans ciller, il avale par deux fois le kava, boisson sacrée à base de racines de poivrier, et déclare : « Ce kawa sera pour moi une force supplémentaire pour les défis qui nous attendent. »

A Papeete, la campagne se poursuit sur le marché, le président fait le plein. « Il est gentil, Hollande. Il me fait penser à Chirac », s’amuse une coiffeuse. Hollande est aux anges. A la tribune du palais de la présidence de Polynésie, il sort le chéquier pour « sanctuariser la dette nucléaire » de la France qui a mené 193 essais entre 1966 et 1996. En 2003, Jacques Chirac avait promis un milliard. Son successeur socialiste grave la promesse dans le marbre et reconnaît l’impact environnemental et sanitaire des tirs. Mais le périple n’est pas terminé. Le chef de l’Etat veut faire le job jusqu’au bout. Comme Valéry Giscard d’Estaing en 1979, il se rend sur l’atoll de Raiatea puis gagne en pirogue le marae de Taputapuatea, berceau originel du peuplement polynésien. Une longue et émouvante procession d’enfants en pagne et d’habitants joyeux l’accompagne jusqu’à un temple. François Hollande improvise un petit discours pour apporter le soutien du gouvernement à la demande de classement du site à l’Unesco et à l’ouverture d’un musée, « au moins jusqu’en 2017 ». La visite a tout de même un petit côté « village Potemkine ».

Hollande réussit un penalty, qu’il a placé côté gauche

Mardi 23 février, il débarque à Lima et a juste le temps de prendre connaissance de l’attaque au canon de la maire de Lille contre sa réforme du Code du travail. La « procureure » Martine Aubry rejoue la primaire de 2011 et ouvre le procès de son ancien rival. Sans émettre la moindre contre-proposition pour réduire le chômage. François ­Hollande se fait mutique. Il esquive les questions pendant que son entourage survend les coups de fil passés le matin même à Obama, ­Merkel et Cameron. Vaine tentative. Pour la détente, il lui reste l’exposition « La France de Raymond Depardon », au ministère de la Culture. En coulisses, son photographe officiel dit sa fidélité, il croit toujours dans les chances de son modèle : « Il bouge de mieux en mieux avec ses bras. Hollande est bon quand il est seul à 20 centimètres de vous. Plus il s’éloigne, moins il est bon. » Le chef de l’Etat joue les guides pour son homologue, Ollanta Humala. Le Péruvien fut l’un des premiers chefs d’Etat à venir à l’Elysée, en 2012, et les deux hommes ont noué une relation amicale. Impopulaire et privé de majorité, le président Humala termine son mandat en avril et… ne se représente pas.
Le lendemain, la scoumoune le poursuit. Alors qu’à Paris la frondeuse en chef Martine Aubry tire à boulets rouges, à Lima son avion reste cloué au sol. En cause : un aileron défaillant. Jacques Chirac avait raison, « les emmerdes volent en escadrille ». Le président livre son adaptation : « Quand une bonne nouvelle apparaît, une mauvaise surgit au même instant. » Un résumé du quinquennat.

Echange musclé avec des syndicalistes de la FNSEA.
Echange musclé avec des syndicalistes de la FNSEA. © LIONEL URMAN / BESTIMAGE

A Buenos Aires, le chef de l’Etat repousse une nouvelle fois les questions sur… Martine Aubry. Il ne veut pas répliquer depuis l’étranger. Il laisse Manuel Valls cogner sur la maire de Lille. Son voyage tire en longueur. Accompagné de Mauricio Macri, nouveau et sémillant président argentin qui ne porte pas la cravate, il paraît engoncé, crispé, fatigué. La veille, Hollande a veillé tard. Il s’est échappé après le dîner d’Etat et a emmené sa nouvelle ministre de la Culture, Audrey Azoulay, et quelques proches boire une bière sur la place centrale de San Telmo, le quartier où est né le tango. Mais visitant le mythique stade de la Bombonera qui abrite le club de Boca Juniors que Mauricio Macri a présidé douze ans, François Hollande s’empare du ballon et réussit un penalty. Commentant son exploit, il débriefe avec humour : « Je n’ai pas de mérite, il n’y avait pas de gardien ! » L’ex-footballeur amateur du FC Rouen n’a pas perdu son coup de patte. Le champion du monde David Trezeguet se montre magnanime et un brin politique : « Dans son imagination, le président a vu que le gardien partait sur sa droite, il a placé une belle frappe côté gauche. » Hollande reconnaît donc encore sa droite de sa gauche.

Le temps de faire un crochet par Montevideo et il remet le cap sur la France. Un lit a été aménagé au fond de son Falcon. Avant de quitter l’Uruguay, il s’attarde avec les journalistes, blague encore sur la situation politique locale : « Ici, c’est la gauche qui gouverne, avec une majorité qui irait de Mélenchon à Macron. » Mais après un tour de 46 000 kilomètres, il a déjà la tête à Paris. Lucide, il est sans illusions sur le comité d’accueil que lui ont préparé les éleveurs. Il minimise la bronca d’une partie de la gauche contre le projet El Khomri et appelle au « dialogue pour trouver un point d’équilibre ». Une formule typique de l’ancien premier secrétaire du PS. Mais François Hollande sait bien que sa majorité est essorée par le virage sécuritaire et par la dose de social-libéralisme – pourtant bien minime – qu’il lui impose.
Juste avant de partir faire le tour du monde, il avait reçu à l’Elysée durant deux heures et demie une poignée de députés fidèles. Les parlementaires à cran lui ont parlé cash. « Les Français ne veulent plus de nous, ni de toi. Ton remaniement est catastrophique. Ton Premier ministre est trop brutal… » A la fin de cette discussion, François Hollande a remonté le moral de ses grognards. « Mon plus grand adversaire est dans mon propre camp. Je vous demande de tenir », a-t-il exhorté. Plus qu’un autre, François Hollande est conscient que le socialisme à la française est au bout du rouleau. Que ses chances pour 2017 sont – sauf miracle – quasi nulles. Lui veut simplement croire que sa majorité – ou ce qu’il en reste – l’aidera à aller au bout de son mandat. Dignement.

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