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L’effet mortifère du réchauffement climatique sur l’alimentation

Pour la première fois, une étude évalue les effets du réchauffement de la planète sur l’équilibre des régimes alimentaires et la santé des individus.

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Publié le 03 mars 2016 à 03h18, modifié le 03 mars 2016 à 10h56

Temps de Lecture 3 min.

Des morceaux de tôle éparpillés dans une rizière près de Hernani (Philippines), après le passage dévastateur du typhon Haiyan, le 18 novembre 2013.

L’impact du changement climatique sur la production alimentaire pourrait causer en 2050 quelque 529 000 décès supplémentaires dans le monde, selon l’étude d’une équipe de l’université d’Oxford publiée jeudi 3 mars dans la revue médicale The Lancet. De nombreux travaux ont montré que les dérèglements climatiques – sécheresses, pluies de plus en plus irrégulières, inondations, cyclones plus fréquents… – menaçaient la sécurité alimentaire, en entraînant une baisse des rendements agricoles susceptible d’accroître le niveau et la volatilité des prix des denrées, et de rendre ainsi encore plus difficile l’accès des plus pauvres à la nourriture. Mais pour la première fois, une étude évalue les effets du changement climatique sur l’équilibre nutritionnel.

La production agricole et l’offre alimentaire disponible ont en effet aussi un impact sur la composition des repas. « Notre étude montre qu’une baisse, même modeste, de la nourriture disponible par personne peut entraîner d’importantes modifications dans l’équilibre des régimes alimentaires et avoir de fortes répercussions sur la santé des gens », souligne le DMarco Springmann, qui a dirigé l’équipe de chercheurs.

Ainsi, sans mesures immédiates de réduction des gaz à effet de serre, le changement climatique pourrait entraîner, en moyenne, une baisse de la disponibilité alimentaire de 3,2 % par personne, soit 99 kilocalories par jour. Cela aurait pour effet de réduire de 4 % (14,9 grammes par jour) la consommation de fruits et légumes, et de 0,7 % (0,5 g par jour) celle de viande.

Le recul de l’obésité

La baisse de la consommation de fruits et légumes, et donc de vitamines, pourrait à elle seule provoquer 534 000 morts supplémentaires dans le monde en 2050. Le nombre de personnes en insuffisance pondérale, qui présenteront un risque de décès accru, augmentera également sensiblement. Ces situations de carence en vitamines et minéraux causeraient 266 000 morts supplémentaires en 2050.

Néanmoins, sur l’autre plateau de la balance, « le changement climatique aura quelques effets positifs », soulignent les chercheurs. Réduisant les risques de cancers et de maladies cardiovasculaires, la moindre consommation de viande se révélera bénéfique pour la santé et pourrait permettre d’éviter 29 000 décès. Surtout, l’obésité reculera, ce qui permettrait d’éviter quelque 225 000 morts.

L’ampleur de ces effets du changement climatique variera sensiblement selon les régions. Les pays à bas revenus et revenus intermédiaires seront très probablement les plus affectés, en particulier ceux du Pacifique occidental et d’Asie du Sud-Est, des régions particulièrement vulnérables aux dérèglements climatiques. En 2050, l’Inde et la Chine pourraient, à elles seules, enregistrer près des trois quarts des décès supplémentaires liés au changement climatique, soit respectivement 136 000 et 248 000 morts. Dans certaines parties du Pacifique occidental, cependant, le nombre de décès évités du fait du recul de l’obésité pourrait être supérieur au nombre de morts provoquées par une insuffisance pondérale.

« Beaucoup d’incertitudes »

« Penser que la fréquence de l’obésité va diminuer dans les pays du Pacifique parce que les gens vont moins manger est hasardeux », relève toutefois le professeur Arnaud Basdevant de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. « L’obésité n’est pas qu’une question de surconsommation, tient à souligner ce spécialiste de la nutrition. Elle concerne singulièrement les populations qui, ayant connu la dénutrition, entrent dans une période de transition économique rapide. C’est ainsi que dans un même pays coexistent des personnes obèses et des personnes dénutries. Il faut ajouter que certains polluants peuvent favoriser la prise de poids, indépendamment des apports caloriques. » Il ajoute :

« Il serait prématuré de tirer de cette étude des conclusions pragmatiques immédiates en termes de santé publique. Ces données chiffrées sur les risques comportent beaucoup d’incertitudes, comme le soulignent fort honnêtement leurs auteurs. L’intérêt majeur de cette étude est avant tout de susciter la réflexion sur l’impact des dérèglements climatiques sur la santé : dans quelle mesure les évolutions de la production agricole affecteront ou amélioreront la consommation alimentaire et donc la santé ? »

Pour Bertrand Noiret, d’Action contre la Faim, « cette étude a le mérite de relancer le débat sur l’importance de la diversification alimentaire dans la lutte contre la malnutrition, alors qu’on se focalise trop souvent sur la seule quantité de calories ingérées ou produites. Manger des fruits et légumes est bel et bien essentiel pour être en bonne santé. Il faut que les politiques agricoles et alimentaires intègrent la diversification dans l’adaptation aux changements climatiques. Cela suppose des changements de pratiques profonds. »

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