A l'heure des réseaux sociaux, "se demander comment ses informations en ligne vont être interprétées est devenue une angoisse existentielle" pour les candidats à l'embauche, annonce Camille Alloing, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à l'IAE de l'université de Poitiers. La mise en scène de soi sur internet a une incidence sur la manière dont les autres nous perçoivent, à commencer par les recruteurs.

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L'enseignant conseille pourtant de voir internet comme l'opportunité de construire son image, et non comme une menace, à condition de respecter quelques règles. "J'ai personnellement décroché mes premiers emplois grâce à mon blog", sourit le chercheur, qui précise toutefois que sa situation reste un "épiphénomène".

Premier point à garder en tête, "il faut prendre conscience que 'googler' les personnes est devenu une pratique ordinaire, y compris pour les employeurs, ce qui a fatalement une incidence sur l'accès à l'emploi". D'où l'importance de prendre garde à ce que l'on met en avant, particulièrement sur les plateformes grand public comme Facebook, Twitter et tous les sites facilement accessibles lors d'une requête sur Google. "Il faut avoir conscience de ce qu'on laisse en ligne, prévient le chercheur. Les interprétations peuvent être différentes selon les recruteurs. Quelqu'un de plus âgé sera peut-être moins tolérant face à certains contenus que des patrons plus jeunes."

Une notation de l'individu

Les codes varient aussi selon les secteurs professionnels. Etre présent sur la toile devient quasiment impératif dans certains métiers très spécifiques. "Une entreprise a publié il y a quelques années une offre de stage pour recruter un animateur de communauté. Il devait avoir un 'klout' [un indice de mesure de l'influence sur les réseaux sociaux, NDLR] de 30 ou 40 sur 100, un score énorme, se souvient Camille Alloing. Les internautes interloqués ont exprimé leur mécontentement. L'entreprise a répondu que c'était une plaisanterie, mais je doute fortement que c'était de l'humour."

Dans ses recherches, le spécialiste a aussi observé que certains professionnels sélectionnent désormais leurs collaborateurs, notamment des experts, en fonction de leur nombre d'abonnés sur les réseaux sociaux, de leur avatar, de leurs indicateurs de réputation ou encore de leur présentation. "C'est comme les étoiles sur un film, mais ici, ce principe s'applique à l'individu", résume-t-il.

Déposer son CV depuis Facebook?

Ce type d'outils deviendra-t-il un jour la norme dans le recrutement? "Dans certains secteurs, c'est déjà le cas, notamment dans le numérique et la recherche, pointe l'enseignant. Un réseau social attribue par exemple un score aux chercheurs et certaines universités étrangères demandent obligatoirement ce dernier pour recruter leurs enseignants."

Les recrutements uniquement fondés sur des données en ligne pourraient ainsi s'étendre en France. "C'est surveillé par la Cnil, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, donc on n'y est pas encore, mais c'est une forte probabilité", assure Camille Alloing.

Le chercheur pointe déjà du doigt le cas de certaines entreprises qui proposent de se connecter avec ses comptes en ligne pour déposer sa candidature à un poste. "C'est le cas pour postuler chez Facebook ou Amazon, avance-t-il. Or une fois qu'ils ont accès à vos données, les recruteurs savent ce que vous lisez, quelles informations vous avez partagées sur le web, avant même de vous embaucher..."

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