FÉMINISME - Le féminisme est aussi une affaire d'hommes. Certains prennent part au combat, d'autres cherchent simplement à soutenir les femmes dans celui-ci. À l'image du reste de la société, si pour eux aussi, "féministe" n'est plus un gros mot, leur participation soulève beaucoup de questions.
Les associations l'ont d'ailleurs bien compris. En janvier 2016, le collectif Georgette Sand (connu pour son combat autour de la "taxe tampon") a lancé une campagne pour "L'Homme féministe". Par des détournements de publicités de parfums pour homme, le collectif rend hommage: "Ce ne sont pas des surhommes", mais "ils sont féministes et souhaitent donner une autre image de la masculinité. Ils font bouger les lignes dans leur travail, dans l’éducation qu’ils donnent à leurs enfants, dans la relation à leurs conjointes, leurs amies".
La campagne "He for She", lancée par Emma Watson en 2014 avait aussi voulu directement parler aux hommes. "Je m’adresse à vous en ce jour, car j’ai besoin de votre aide", affirmait-elle à l'attention des hommes pour commencer son discours au siège des Nations Unies. "Nous souhaitons mettre fin aux inégalités entre les sexes, et pour y parvenir, l’implication de tous est indispensable".
Comment ces hommes qui se disent féministes envisagent-ils leur rôle dans ce mouvement? Et pourquoi? Quels sont les stéréotypes contre lesquels ils veulent lutter et comment? À quelques jours de la journée des droits des femmes le 8 mars, Le HuffPost a laissé la parole à trois d'entre eux.
"Quel modèle de société souhaitons nous vraiment?"
La "question fondamentale" que se pose Vincent, militant à Osez le féminisme, est la suivante: "quel modèle de société souhaitons nous vraiment? Une société égalitaire au service du bien commun ou un totalitarisme social au service des même éternels privilégiés?" Pour lui, aucune raison pour "qu'un sexe prenne le pas sur un autre, en dehors d'une recherche de domination volontaire et violente".
Une société égalitaire, c'est aussi ce que souhaite Bamiyan, 45 ans, qui se dit très sensible aux "violences physiques ou psychologiques faites aux femmes, au harcèlement qu'elles subissent". Il n'aime pas spécialement les étiquettes mais si l'on doit lui apposer celle de "féministe", il n'en voit pas le moindre inconvénient. Féministe, il l'est devenu de part son histoire, mais aussi à force d'être sensibilisé à des problématiques telles que l'égalité des salaires, le harcèlement, l'éducation. D'ailleurs, tout récemment papa, il sera impératif pour lui d'éduquer son petit garçon à ces enjeux: "Je lui apprendrai l'importance de respecter les êtres humains, indépendamment de leur sexe", affirme-t-il.
"Pas parfaites ni idéales", les hommes non plus
Au-delà des grands thèmes des combats féministes, ce sont aussi de nombreux stéréotypes du quotidien qui agacent ces hommes. Olivier, quadragénaire, la liste de ces stéréotypes est longue, mais il est particulièrement agacé par "le comportement de certains politiques". "L'exemple vient d'en haut", souligne-t-il. On se souvient notamment du comportement sexiste des parlementaires visant la députée Véronique Massonneau en 2013. Lors de son intervention, ceux-ci avaient interrompu son intervention en imitant le caquetage d'une poule.
Ce sont les voyages qui ont aussi sensibilisé ce père de famille. Pour lui, le féminisme est tout aussi important pour "la paix sociale" que d'autres combats comme celui contre le racisme: "enfermer les gens dans des catégories en fonction de leur genre, origine, couleur, classe sociale, religion, tout ça c'est pareil", estime-t-il.
Bamiyan, de son côté n'en peut plus d'entendre que les femmes sont "parfaites et idéales". Mais ce qui l'insupporte le plus, c'est cette remarque très souvent adressée aux femmes féministes: "si elles veulent l'égalité elles doivent arrêter de demander des mesures discriminatoires". Pour lui, elle n'aura vraiment de sens que le jour où les femmes seront vraiment les égales des hommes.
"Il est important d'impliquer les hommes"
Etre un homme féministe. L'idée si elle fait son chemin reste encore une exception. "Des hommes militants féministes, il n’y en a quasiment pas, ou très peu", explique à Slate Patric Jean, fondateur de ZeroMacho. "Pour des raisons évidentes: quand on a des privilèges, on n’a pas envie de les perdre".
D'un point de vue historique, les hommes ont été progressivement exclus du féminisme, surtout dans les années 1970 avec le Mouvement de libération des femmes (MLF). Si les mouvements se font de plus en plus mixtes, les hommes se revendiquant féministes restent encore largement minoritaires.
Les hommes que nous avons interrogés en sont convaincus, il s'agit bien aussi de leur combat."Si on veut évoluer vers un modèle de société équitable débarrassé des concepts de "supériorité" masculine totalement artificiels", explique Vincent, "il est important d'impliquer les hommes pour amener les nouvelles générations à adopter un autre modèle du monde, débarrassé de ses typologies sexistes et misogynes". Ajoutant toutefois qu'il existe une différence de taille entre les hommes et les femmes féministes: "les militants ne subissent pas les discriminations et oppressions des militantes. Pire, ils en tirent des avantages en terme d'image et de considération là où les militantes sont rabaissées et dévalorisées".
Militer pour la cause féministe quand on est un homme n'est pas évident. Vincent est bien conscient qu"il doit adapter son comportement afin de respecter la parole des premières concernées. "Il est important d'adapter avec finesse ma contribution à la lutte pour ne pas reproduire les mêmes dérives au sein du monde militant: spoliation de la parole, de l'espace, dirigisme...", détaille-t-il.
“La femme serait vraiment l'égale de l'homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente”
C'est aussi ce que soutenait le journaliste Saeptem dans une tribune pour Cheek Magazine intitulée "Pourquoi, en tant qu'homme, je la ferme lors des réunions féministes":
Ainsi, même s'ils ne sont peut-être pas féministes comme l'est une femme, ils ont envie de soutenir le mouvement, jusqu'à ce que l'égalité entre hommes et femmes soit atteinte. Pour Olivier, ce sera "quand elles pourront rentrer chez elles la nuit en utilisant les transports en commun sans avoir besoin de gorilles". Pour Bamiyan, il s'agira du "jour où on ne fera pas attention aux différences entre les sexes". Et de conclure en citant une femme célèbre, Françoise Giroud : “La femme serait vraiment l'égale de l'homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente.”