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Le cinéma égyptien peine à retrouver sa grandeur passée

Troisième producteur mondial de films au monde dans les années 1950-1970, l’Egypte piétine aujourd’hui avec une poignée de productions annuelles.

Par  (contributeur Le Monde Afrique, Le Caire)

Publié le 03 mars 2016 à 19h02, modifié le 04 mars 2016 à 14h34

Temps de Lecture 3 min.

Extrait du film-documentaire

L’affiche de la cinquième édition du Luxor African Film Festival, qui se déroule en Egypte du 17 au 23 mars, est éloquente. Le couple d’acteurs formé par Omar Sharif et Faten Hamama, tous deux disparus en 2015, y figurent comme une réminiscence d’un âge d’or du cinéma populaire égyptien des années 1950-1970. Troisième producteur mondial de films au monde à cette époque, l’Egypte piétine aujourd’hui avec une poignée de productions annuelles.

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Le désengagement de l’Etat, qui a abandonné la subvention du secteur aux pays européens ou du Golfe, a favorisé un monopole des mastodontes de la production nationale. Et la censure de plus en plus invasive, notamment sur la politique, la religion et les mœurs, n’est pas étrangère à ce déclin.

Dérives commerciales

A l’Institut supérieur du cinéma du Caire, d’où provient la majorité des professionnels du septième art, les professeurs houspillent avec un écœurement sans détour les dérives commerciales et surenchères obscènes. Les frères Karim et Ahmed El Sobky, l’un réalisateur l’autre producteur, sont particulièrement décriés. Vulgarité des scénarios, pauvreté de la mise en scène, absence d’ambition artistique : aucun grief ne leur est épargné. Les affiches de leur dernier film, sorti en 2015, habillent encore les quelques devantures des salles obscures du Caire. Les biceps de l’acteur Asser Yassin et le petit bandeau d’interdiction aux moins de 18 ans donnent le ton.

Dans une grande salle aux murs saturés de photographies en noir et blanc à l’effigie des grands acteurs et réalisateurs d’antan, une enseignante confie l’air particulièrement remonté : « Ici, nous formons de jeunes talents. Mais la plupart d’entre eux n’auront pas d’autres choix que de travailler pour ce cinéma médiocre et inculte ».

Certains nostalgiques se consolent avec les productions turques ou indiennes. D’autres, plutôt que de regarder ailleurs, font le choix de garder un œil sur l’Egypte d’aujourd’hui. Une nouvelle génération écrit une autre page du cinéma social, psychologique et de mœurs qui avait marqué les années 1980.

C’est précisément la démarche de Rahala (voyageur, en arabe), une petite boîte de production lancée par de jeunes diplômés de l’institut du Caire. « Filmer c’est rester en mouvement, explique Naji Ismail, cofondateur de Rahala avec son ami Shady Ishak. Nous refusons d’attendre continuellement les financements ou les approbations du syndicat du cinéma. Nous voulions produire nos propres films et ceux de nos amis, mais nous rencontrions des difficultés avec les gros producteurs qui s’immiscent dans le processus de réalisation artistique et le scénario ».

Financement sur le Web

Le film Fathy La Yaaish Hena Baad El-An (Fathy ne vit plus ici à présent) de Maged Nader, présenté à la Berlinale de février 2016, a ainsi été produit via un financement participatif sur Internet. « On était assis dans un café, raconte simplement le jeune réalisateur en enroulant du tabac dans une feuille. Naji m’a demandé combien mon film allait coûter. J’ai répondu qu’il ne coûterait pas très cher. L’idée de recourir au financement participatif nous est venue spontanément. C’était en octobre. Le tournage a démarré en février ».

Affranchie des processus de financements traditionnels, l’œuvre onirique de Maged Nader, constituée par une succession de photographies, lance également un pied de nez aux stéréotypes. « Ce n’est pas un film typiquement égyptien, résume-t-il. C’est un projet expérimental qui aurait pu être réalisé n’importe où. On ne veut pas être enfermé dans des clichés. Pour cette raison, la Berlinale est typiquement le genre de festivals que nous ciblons ».

Dans un climat national délétère, où le moindre désaccord peut être interprété comme un affront, Naji Ismail tient à préciser les ambitions de sa boîte de production : « Ce n’est pas un combat contre l’industrie du cinéma, ni contre les films grand public. Nous proposons seulement une autre manière de réaliser et de produire ».

Zawya, le premier cinéma d’art et d’essai égyptien lancé en 2014 par Misr International Film, la compagnie de Youssef Chahine, fait figure d’exception dans le paysage cairote en diffusant ces œuvres hors des circuits commerciaux traditionnels. Pour son jeune directeur Youssef Shazli, le déclin du vieux cinéma égyptien représente aussi un défi passionnant : « Depuis deux ou trois ans, il existe de plus en plus de jeunes réalisateurs avec des projets artistiques atypiques. Bien sûr, le public est nostalgique de la grande époque du cinéma égyptien. Mais je constate aussi une soif de voir quelque chose de nouveau ».

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