Théorie du genre : cette doctrine qui sème la pagaille à l'école

Le mot est désormais sur toutes les lèvres. Depuis que des parents ont boycotté l'école, dénonçant des cours de théorie du genreâ?¦qui n'existent pourtant pas en classe.

Théorie du genre : cette doctrine qui sème la pagaille à l'école

    Tout le monde en parle, avec un haussement d'épaules pour les uns, diabolisé par les autresâ?¦ Or le moins qu'on puisse dire, c'est que le « genre » n'est pas toujours bien clair pour grand monde. Même si l'Education nationale a vivement démenti la rumeur  selon laquelle une théorie du genre était enseignée à l'école, l'expression flotte encore dans le fond de l'air. Et fait peur ou attise les clivages idéologiques.

    Le genre, c'est quoi?

    Pour résumer, on peut dire que le sexe, c'est l'inné. Et le genre, c'est l'acquis : l'éducation, l'environnement, les normes socialesâ?¦ et les stéréotypes associés à chaque sexe. « Quand on dit : Cette fille se comporte comme un garçon, on relève qu'il n'y a pas de coïncidence entre la caractéristique biologique et le caractère comportemental, cite en exemple la chercheuse Anne-Emmanuelle Berger, directrice de l'Institut du genre au CNRS. On fait sans le savoir la distinction entre sexe et genre. » Cette distinction est récente : soixante ans tout au plus.

    Y a-t-il une théorie?

    C'est davantage un constat : aucune programmation génétique ne destine les femmes à faire le ménage, ni les hommes à devenir de grands patronsâ?¦ Et pourtant, 80% des tâches ménagères incombent aux femmes et 80% des chefs d'entreprise sont des hommesâ?¦ La théorie, si théorie il y a (en réalité, il y a beaucoup de théorisations, de débats et mêmes de disputes dans les études de genre), c'est qu'on ne peut réduire ces inégalités qu'en comprenant les mécanismes qui les creusent. C'est le but, depuis les années 1960-1970, des études de genre transversales (sociologiques, philosophiques, historiques, anthropologiquesâ?¦)

    Est-ce un combat féministe ?

    Ce sont les féministes qui ont initié ces études puisqu'elles démontrent scientifiquement des inégalités de trajectoires entre les deux sexes qui n'ont aucun rapport avec la taille du cerveau ou la force des muscles. C'est donc un outil pour travailler sur l'égalité. Mais c'est aussi grâce à la prise en compte du genre, par exemple, que l'on peut avancer en médecine. On sait aujourd'hui pourquoi les petites filles sont plus touchées par le tabagisme passif que les garçons. Au départ, les chercheurs ont supposé qu'elles avaient les poumons plus fragiles. Ils ont fini par découvrir qu'elles sont tout simplement plus exposéesâ?¦ parce que plus confinées à la maison que les garçons!

    Peut-il y avoir des dérives?

    Derrière les études de genre, il y a davantage de chercheurs besogneux et sourcilleux que de pétroleuses hurlantes prétendant que « tout est construction sociale ». La question se pose néanmoins : à force de vouloir gommer les inégalités, ne risque-t-on pas de gommer les sexes? C'est la grande crainte des antigenre. Mais c'est aussi, parfois, la peur de voir les femmes « castrer » les hommes ou l'homosexualité se développer qui nourrit un rejet de ces travaux. En ces temps de mariage pour tous, de débats sur la procréation médicalement assistée, on ne badine pas avec une certaine conception de la natureâ?¦ « Et pourtant, la nature même de l'être humain, c'est d'être à la fois inné et acquis », se désole le généticien Axel Kahn. « L'acquis infériorise les femmes depuis des millénaires. Or on peut agir sur l'acquis! Je ne comprends pas pourquoi ce serait dangereux, sauf pour ceux qui considèrent qu'il faut apprendre aux enfants que les filles sont inférieures aux garçons. »