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L’histoire du psychanalyste le plus controversé du XXe siècle

Près de 50 ans après sa création, la thérapie primale – qui consiste à hurler afin de vous libérer de vos névroses – ne fait toujours pas l'unanimité.
Arthur et France Janov

Une femme frappe dans un punching-ball en hurlant : « Allez-vous-en, laissez-moi tranquille ! » Un couple s'engueule. Un homme se balance en serrant un ours en peluche – il sanglote. Un autre mec crie et pleure, blotti dans les bras d'un thérapeute.

On appelle cela la thérapie primale. Pour son inventeur, le Dr Arthur Janov, il s'agit de « la découverte la plus importante du XXe siècle ». Pourtant, cette démarche thérapeutique reste controversée, tant pour ses méthodes que pour le comportement du Dr Janov et de ses partisans.

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La thérapie primale s'oppose à la psychothérapie traditionnelle, jugée par certains trop imprécise. Dites adieu aux longues années passées sur le divan de votre psy et aux auto-analyses interminables. À en croire ses adeptes, la méthode Janov vous libérera de vos névroses en un rien de temps.

Art – comme l'appellent ses amis et sa famille – dirige une fondation située à Santa Monica, avec France – son épouse et ancienne patiente. C'est elle que j'ai eue au téléphone – Art, âgé de 92 ans, souffre de la gorge. Elle m'a expliqué que ses clients viennent de tous milieux confondus.

« Très souvent, nos patients ont déjà suivi des thérapies qui n'ont mené à rien, a-t-elle précisé. Certains d'entre eux ont abusé de drogue et d'alcool, d'autres ont une vie sexuelle trop active, ou pas assez. Toutes les névroses sont dues à une douleur refoulée. Le fait d'être aimé suffit à satisfaire tous nos besoins. C'est aussi simple que ça. »

Les disciples de Freud prescrivent généralement des thérapies intensives, qui peuvent durer des années, voire des décennies. L'approche de Janov est différente. Selon lui, le meilleur moyen pour venir à bout de la dépression et de l'anxiété est de revivre le traumatisme originel. Il faut donc crier et se rouler par terre afin d'exorciser la douleur.

Les confrères de Janov ont toujours été sceptiques quant à l'efficacité de sa méthode. « La thérapie primale a été très critiquée dans le monde de la psychologie traditionnelle », m'a précisé Janja Lalich, auteur de Crazy Therapies . « Très peu de thérapeutes proposent encore ce traitement. » Elle va même jusqu'à comparer cette méthode cathartique avec les techniques de manipulation utilisées par les sectes pour endoctriner les croyants.

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« Ces méthodes rendent le patient très vulnérable. On lui fait croire qu'il va mieux ou qu'il est fou. Au final, peu importe le problème, la réponse est toujours la même. »

Janov s'est défendu contre de telles accusations : « Nos publications des 50 dernières années prouvent le contraire. Nous pratiquons une science sérieuse. »

« Les thérapies traditionnelles durent 30, 40 ans, voire toute la vie, m'a déclaré France Janov. Mais avec la méthode primale, une fois que le patient a retrouvé sa capacité à ressentir des émotions, il n'a plus besoin de nous. »

Le message d'Arthur Janov a toujours eu quelque chose de messianique, en marge de ce qui est acceptable dans le milieu de la psychiatrie. En 1971, il a déclaré lors d'une interview qu'il pouvait « guérir » n'importe quoi, de l'alcoolisme aux crampes menstruelles en passant par l'homosexualité. Il m'a confirmé ses propos par mail, affirmant qu'il « l'avait déjà fait » dans des « circonstances précises ».

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Arthur Janov dans les années 1970

La thérapie primale est née en 1967 lors d'une rencontre entre Janov et un patient. Ce dernier lui racontait avoir assisté à une performance artistique étrange au cours de laquelle un mec s'était mis à crier « maman ! », encourageant le public à faire de même.

« J'ai demandé à ce jeune homme de faire pareil, écrit Janov. Il a refusé, j'ai insisté. Finalement, il s'est mis à hurler, avant de tomber de sa chaise en se tordant de douleur. Ça a duré une demi-heure, je n'avais jamais vu ça. Une fois la crise terminée, il a simplement touché le tapis en disant qu'il pouvait enfin sentir quelque chose. »

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Le cri primal de Janov, paru en 1970, est rapidement devenu un véritable phénomène culturel et thérapeutique. John Lennon l'a essayé, James Earl Jones – la voix de Darth Vador – prétend que le traitement a réglé ses problèmes de tabac et d'hémorroïdes. Le pianiste Roger Williams considère Janov comme étant l'un des plus grands hommes de l'histoire.

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Deux couvertures de livres rédigés par Arthur Janov

Le psychothérapeute londonien Einar Jenssen a travaillé avec Janov dans les années 1980. Il a été déçu par ce qu'il décrit comme « une organisation sectaire motivée par l'argent plus que par la science ». Il faut dire qu'au moment où il a rejoint le mouvement, l'optimisme de la fin des années 1960 et 1970 avait fait place au réalisme froid des eighties.

Selon lui, l'argent a « toujours » été la principale motivation de Janov – qui acceptait des patients absolument pas en état de subir un procédé aussi intense. Il raconte avoir dû prendre en charge une jeune femme de 19 ans souffrant de schizophrénie paranoïde.

« Elle était incapable de prendre sa vie en main, précise Jenssen. Elle aurait dû être hospitalisée. J'ai dit à Janov qu'il avait fait une erreur en admettant cette patiente et qu'il fallait la rembourser. Il a refusé. »

Le psychologue américain a répondu à cette accusation par mail : « Nous ne tirons aucun bénéfice de notre travail. Nous avons consacré plusieurs centaines de milliers de dollars à des recherches afin de défendre notre intégrité scientifique. Nous rendons la thérapie accessible à ceux qui n'ont pas les moyens de se la payer. »

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Selon Jenssen, plutôt que d'aider les patients à guérir de leurs traumatismes, la thérapie primale aggrave les troubles mentaux. Elle ne permet pas de traiter la « dissociation » dont souffrent les patients ayant subi de graves chocs. Au contraire, la thérapie les replonge dans des événements horribles.

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Janov lors d'une représentation de Primal Scream: The Musical

Désormais, il est difficile de trouver un praticien qui utilise la thérapie primale. Le traitement a beaucoup souffert de sa réputation de pseudoscience. Malgré tout, Franklin Wenham le propose encore – après l'avoir lui-même suivi à Los Angeles en 1977.

« J'ai évoqué les événements douloureux de mon enfance et je me suis mis à pleurer », raconte-t-il. Chez le Dr Wenham, la procédure est stricte : les patients sont soumis à une évaluation pour s'assurer qu'ils supportent l'intensité du traitement. Il insiste sur le fait que la thérapie est destinée à ceux qui n'ont pas besoin d'une aide psychologique urgente.

« Ça fonctionne sur les personnes capables de mener leur vie normalement mais qui, au fond, sont très malheureuses et répètent les mêmes erreurs », précise-t-il.

C'est ce qu'il faut bien comprendre avec la thérapie primale. Si vous êtes déprimé, angoissé ou que vous éprouvez un ras-le-bol général, le traitement pourra peut-être vous aider. Exprimer ouvertement ses émotions est toujours libérateur. Cependant, les partisans de la théorie sont souvent très entêtés et n'acceptent aucune critique.

Quant à Janov, il est convaincu que l'épigénétique – l'étude de l'impact des facteurs environnementaux sur nos gènes – pourrait donner raison à la thérapie primale. Il en est tellement persuadé qu'il s'apprête d'ailleurs à publier un nouvel article défendant la validité d'une thérapie qui, plus que jamais, est liée à son nom.

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