«Ne nous oubliez pas», lance Nihad, Yazidi de 16 ans survivante de l'EI

«Ne nous oubliez pas», lance Nihad, Yazidi de 16 ans survivante de l'EI

Nihad est une Irakienne yazidie de 16 ans. Kidnappée par l'organisation ...
Nihad, une Irakienne yazidie de 16 ans  kidnappée par l'organisation Etat islamique, s'exprime  lors d'un entretien avec l'AFP, le 9 mars 2016 à Londres
Nihad, une Irakienne yazidie de 16 ans kidnappée par l'organisation Etat islamique, s'exprime lors d'un entretien avec l'AFP, le 9 mars 2016 à Londres - LEON NEAL AFP
© 2016 AFP

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Nihad est une Irakienne yazidie de 16 ans. Kidnappée par l'organisation Etat islamique, violée, mère d'un garçon qu'elle a dû abandonner pour fuir, elle a appelé le monde, mercredi à Londres, à ne pas oublier les siens toujours otages de Daech (le groupe Etat islamique, EI).

«Ce n'est pas une vie! Nous ne vivons pas tant que l'ensemble des nôtres ne sont pas sauvés de Daech», a confié à l'AFP cette jeune fille kidnappée avec 28 membres de sa famille à Sinjar (nord de l'Irak) en août 2014 lors d'une campagne de persécution menée par les jihadistes de l'EI contre la minorité yazidie, qu'ils considèrent hérétique. Ni musulmans ni arabes, les Yazidis ont été tués ou enlevés par milliers.

Invitée à Londres par l'ONG britannique Amar, qui vient en aide en Irak aux millions de personnes déplacées par l'avancée de l'EI, elle a précisé lors d'une conférence de presse que deux de ses six soeurs et deux de ses douze frères étaient toujours aux mains du groupe jihadiste.

Les mains crispées sur ses genoux, Nihad Barakat Alawsi raconte, sans ciller, comment elle a été interceptée par des jihadistes alors qu'elle fuyait avec sa famille vers les monts Sinjar. «Nous avons été arrêtés à un check-point. Nous étions 28 dans deux véhicules», dit-elle en arabe, confiant que ses parents et certains frères et soeurs étaient parvenus à s'enfuir.

Les jihadistes les conduisent à Hassaké en Syrie, près de la frontière irakienne. «Près de 300 familles ont été regroupées dans une école. Pendant la nuit, ils ont séparé les hommes», dit-elle.

«Ils nous ont dit : soit vous devenez musulmanes, soit nous tuons les hommes». Après consultation avec les hommes, les femmes acceptent de «faire semblant» de se convertir.

Après les avoir ramenés en Irak, «ils ont alors isolé les filles» et les ont conduites dans un gymnase à Mossoul pour les convertir et «les marier». Mais elles refusent de se soumettre et les coups pleuvent alors pendant deux semaines.

Puis l'émir local de l'EI Abou Diab et ses hommes sont venus. «Ils ont choisi 21 filles, les ont réunies dans une pièce et les viols ont commencé».

- L'enfant de son violeur -

Nihad a été «choisie» par Salam, un jihadiste de 25 ans. Après l'avoir violée, il l'a conduite dans sa maison familiale avec sa femme enceinte et leur fils. Les viols se poursuivront.

«Sa femme était désagréable, elle disait que je l'envahissais», se rappelle-t-elle. Un mois et demi plus tard, le jihadiste, reparti combattre en Syrie, est tué.

«C'étaient des jours très difficiles, j'étais seule, je pensais tout le temps à ma famille», dit Nihad, les larmes aux yeux.

Elle parvient alors à s'enfuir mais est rattrapée à Kirkouk et ramenée à Mossoul au quartier général de l'EI.

«L'émir d'Al Kindi est revenu et m'a donné à son frère, abou Farès». Ce père de quatre filles la viole à son tour et lui dit : «Si tu te convertis, je te ramène à ta famille». Nihad accepte et retrouve une partie des siens, retenus dans des maisons d'Al Kindi.

Elle découvre alors qu'elle est enceinte et évite de nouveaux viols en le disant à ses tortionnaires.

Après avoir tenté en vain d'interrompre sa grossesse, elle est ramenée chez abou Farès qui lui propose de l'épouser. Refus. Il renouvellera l'offre plusieurs fois. La réponse sera toujours non.

Elle donne naissance à un garçon. «Je voulais lui donner un prénom yazidi mais son père l'a appelé Essa ce qui veut dire Jésus». Elle l'allaitera pendant trois mois avant de parvenir, aidée d'une voisine, à appeler l'un de ses frères pour organiser sa fuite. «Sans Essa», dit-elle, émue. «Je ne pouvais pas le ramener dans ma famille».

Le 15 octobre 2015, un passeur la conduira au Kurdistan irakien, où elle vit depuis dans un camp de réfugiés avec sa famille. La fin de 14 mois de calvaire.

Quant à l'avenir? «j'aimerais aller à l'école, apprendre l'anglais, me marier et avoir des enfants».