Les eurodéputés se sont très largement opposés au renouvellement d’un accord entre Philip Morris et l’UE visant à lutter contre le trafic de tabac. Le renouvelement doit être décidé par la Commission le 16 mars.
L’accord contesté entre l’UE et Philip Morris sur le trafic illégal de cigarette en Europe ne doit pas être reconduit, a affirmé le Parlement européen le 9 mars.
Réunis en séance plénière à Strasbourg, les eurodéputés ont très largement adopté une résolution non contraignante appelant la Commission à ne pas prolonger l’accord avec le cigarettier américain, qui arrive à échéance le 9 juillet prochain.
Cet accord conclu en 2004 avait mis fin aux procédures lancées par l’UE et les États membres contre Philip Morris afin de récupérer des droits de douane perdus à cause de la contrebande.
En contrepartie, le cigarettier s’était engagé à lutter contre la contrebande et la contrefaçon, mais aussi au versement de 1,25 milliard de dollars sur 12 ans, dont 90% est versé aux États membres et 10% au budget de la Commission européenne.
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L’arrangement en vigueur depuis 12 ans devait permettre de réduire le trafic illégal au sein de l’UE et récupérer le manque à gagner, évalué de 10 à 12 milliards d’euros par an.
L’UE avait ensuite conclu des accords similaires avec Japan Tobacco en 2007, puis British American Tobacco et Imperial Tobacco en 2010, toujours en vigueur.
Le vote du Parlement européen n’est pas contraignant, mais devrait influencer la décision de la Commission sur sa prolongation, qui doit intervenir le 16 mars prochain.
« Je n’imagine pas que la Commission ne tienne pas compte de l’avis du Parlement sur ce sujet. [… ] D’autant qu’en déléguant aux fabricants la responsabilité du contrôle des produits du tabac, elle se place clairement en situation de conflit d’intérêts » a affirmé l’eurodéputée française Françoise Grossetête (PPE).
Efficacité douteuse
L’accord a également été fortement critiqué pour son efficacité toute relative en matière de lutte contre la contrefaçon et la contrebande.
Selon la Commission européenne, l’accord anti-contrebande a permis « de réduire de 85% le volume des saisies de cigarettes Philip Morris de contrebande notifiée aux États membres entre 2006 et 2014 », a souligné la vice-présidente de la Commission, Kristalina Georgieva, lors d’un débat au Parlement fin février en amont du vote.
Mais cette réduction de la contrebande de cigarettes Philip Morris, « n’a pas mené à une réduction générale du marché noir du tabac en Europe » a reconnu la vice-présidente.
Pour de nombreux élus, cet accord confiant la lutte anti-fraude au grand cigarettier relève du non-sens. « C’est comme confier la lutte contre la criminalité organisée à Al Capone » s’est amusé l’écologiste français José Bové.
« De plus, toutes les grandes industries, comme le secteur pharmaceutique, sont sensées lutter contre la contrefaçon de leur produits. Mais le secteur du tabac est le seul à avoir cet accord qui prévoit une compensation financière » a souligné Françoise Grossetête.
Le problème des “cheap white”
Autre échec de l’accord, la prolifération des cigarettes sans marque, les « cheap white ». Ces dernières, fabriquées légalement dans les pays hors de l’Union européenne comme la Biélorussie, l’Ukraine, la Chine ou les Émirats-Arabes Unis ont envahi le marché européen au cours des dernières années.
En l’absence de marque identifiée, les « cheap white » ne sont pas couvertes par l’accord avec Philip Morris, qui ne concerne que les contrefaçons identifiées de la marque. « En 2015, 600 millions de cigarettes ont été saisies, dont une importante partie était des « cheap white » a concédé la commissaire.