La taxe sur l’huile de palme débarque en France

L'Indonesie et la Malaisie sont les principaux producteurs d'huile de palme. [M. Edliadi for the Center for International Forestry Research (CIFOR).]

Une taxe additionnelle sur l’huile de palme devrait être définitivement adoptée la semaine prochaine à l’Assemblée, au grand dam des principaux pays producteurs, Malaisie et Indonésie.

L’huile de palme, accusée depuis des années d’être une des principales responsables de la déforestation dans certains pays tropicaux, devrait voir sa fiscalité s’alourdir en France.

L’expansion des plantations de palmier à huile dans les pays tropicaux a largement contribué à  dégrader les ressources forestières ainsi que la biodiversité. Pourtant, l’Europe demeure un des principaux importateurs de cette matière première.

>>Lire : L’UE veut lutter contre le dumping sur l’huile de palme indonésienne

En France, la question d’une taxation additionnelle de l’huile de palme a été plusieurs fois mise sur le tapis. Une première tentative avait échoué en 2013 lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, puis en 2015 au cours de l’examen du projet de loi sur la modernisation du système de santé.

Mais le projet de loi sur la biodiversité, dont le vote en deuxième lecture se tiendra du 15 au 18 mars à l’Assemblée nationale, pourrait bien signer la concrétisation de cette surtaxe.

Limitation

Lors de l’examen du texte en commission du développement durable, les députés ont conservé le principe de la taxation additionnelle, déjà introduite par les sénateurs en première lecture. Un vote qui devrait garantir un large soutien lors du vote final de la mesure.

Les députés ont cependant introduit certaines limitations à la taxe additionnelle proposée par les sénateurs.

>>Lire : Certaines banques européennes financent des exploitations illégales d’huile de palme

La surtaxe a ainsi été ramenée à un prix de 90 euros supplémentaires par tonne, contre les 300 prévus en 2017 par les sénateurs. Un niveau trop élevé pour ne pas être jugé discriminatoire par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ont estimé les députés.

Selon la députée socialiste Geneviève Gaillard, auteur de l’amendement et rapporteur sur le texte, ce prix plus modeste permettrait de « conserver le principe de la création d’une taxe ciblée sur l’huile de palme […] » en permettant « à la fiscalité sur l’huile de palme de « rattraper » la fiscalité pesant sur l’huile d’olive ».

Filières durables épargnées

Autre changement, la production alimentaire d’huile de palme issue des filières durables serait exemptée de la surtaxe. Un changement visant à encourager les démarches de traçabilité entamée par les producteurs d’huile de palme pour garantir une production sans déforestation.

>>Lire : Le label huile de palme « durable » menace les forêts indonésiennes

Le projet de taxe ne vise cependant que les importations huile de palme à destination alimentaire, ce qui laisse de côté un large pan de la production destinée aux biocarburants.

Accueil glacial de l’Indonésie

L’initiative française a reçu un accueil glacial de la part des grands pays producteurs. L’Indonésie, principal exportateur, a violemment réagi par le biais de sa ministre des Ressources naturelles et maritimes, Rizal Ramli, qui a dénoncé une mesure « arrogante » et « excessive », ajoutant que l’Indonésie appelait le gouvernement français et le Parlement à retirer cet amendement, rapporte l’AFP.

« L’attitude inamicale de la France montre une intention claire et délibérée de tuer l’industrie indonésienne de l’huile de palme », qui emploie 16 millions de personnes, a estimé la ministre, observant que des considérations écologiques et environnementales ne pouvaient pas justifier une « politique protectionniste qui est discriminatoire et injuste ».

Argument économique

La Malaisie, second producteur d’huile de palme au niveau mondial, serait également touchée de front par cette augmentation de la fiscalité. Le Conseil Malaisien de l’Huile de Palme (MPOC) a pour l’occasion commandité un rapport visant à démonter l’argument économique de l’alignement de la taxation de l’huile de palme sur celle de l’huile d’olive, défendue par les députés.

Selon l’étude, l’alignement de la taxe résulterait en une taxation très élevée de l’huile de palme par rapport aux autres huiles alimentaires, puisque son prix de vente est très inférieur à celui de l’huile d’olive par exemple.

« Cet acte nuit clairement aux objectifs nationaux de développement des pays en développement. La taxe différentielle est en opposition avec le droit européen ainsi qu’avec les principes de l’OMC. […] Jean-Marc Ayrault, le ministre français des Affaires étrangères […] a déjà promis au peuple malaisien qu’aucune taxe sur l’huile de palme ne verrait le jour. Cette promesse doit être tenue. » a rappelé le président du MPOC, Dr Yusof Basiron.

La production d'huile de palme a quintuplé depuis 1990 en raison de la demande mondiale en savon, rouges à lèvres et biodiesel ainsi qu'en ingrédients comme les nouilles, le chocolat et l'huile de cuisson.

Entre 2005 et 2010, un tiers des forêts marécageuses de tourbe en Malaisie ont été détruites dans le but de construire des plantations d'huile de palme et de répondre ainsi à la demande croissante. Ces tourbières contiennent de grandes quantités de carbone et leur destruction peut avoir de graves conséquences sur les émissions du gaz à effet de serre provoquées par les hommes à l'échelle mondiale.

La part de marché de l'huile de palme malaisienne en Europe est basse, mais en hausse. Certains suspectent toutefois que ces produits arrivent en Europe par le biais de l'Indonésie en raison d'un étiquetage inadéquat de l'origine.

  • 15 au 18 mars : examen du projet de loi en plénière

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