Emmanuel Macron, “le ministre préféré des Français” (de BFMTV)

Par Samuel Gontier

Publié le 11 mars 2016 à 17h32

Mis à jour le 26 février 2021 à 16h17

«Cest le seul à arriver à pied dans la cour de l’hôtel Matignon, démarre la grande enquête de « Grand angle ». Il cultive son style, un ministre occupé mais détendu. » Grâce à la marche à pied. Evoquant des relations « crispées » entre le Premier ministre et celui de l’Economie, le journaliste précise : « Les ambitions qu’on prête au ministre de l’Economie agacent. » Mais qui est « on » ? Le reporter détaille : « “Moi, président”, titre Marianne. “La fusée Macron” pour L’Obs, “Ce que je veux pour 2017” pour L’Express. » Et aussi « Le dynamiteur », déjà pour L’Obs mais trois mois avant « la fusée » dont je doute du coup de la fiabilité au décollage. Et aussi… Macron par ci, Macron par là, voici un résumé :

« On », c’est donc les journalistes. Par exemple, les journalistes de BFMTV quand ils enquêtent sur les enquêtes des journalistes en interrogeant les journalistes sur leurs enquêtes, en l’occurrence ceux de Marianne et de L’Obs. « Emmanuel Macron a la parole très libre », admire le reporter. Comme les journalistes. « Le ministre joue le bon élève, ce qui ne l’empêche pas, dans l’ombre, de cultiver ses réseaux. » Mis en lumière par le journaliste de Marianne : « Ça fait des mois qu’il rencontre de nombreuses personnes, des intellectuels, des personnalités de la société civile. » Et des journalistes de la société médiatique. « Un ministre de l’Economie rencontre principalement des chefs d’entreprise, il serre des mains, il répond aux gens par de petits mots écrits. » A l’encre sympathique.

« Beaucoup de rumeurs à son sujet. » Non ? Mais qui donc peut bien les relayer ? « Il s’apprêterait à lancer un mouvement et à publier un voire deux livres. » Voire à effectuer le premier vol habité vers la planète Mars. « En attendant, certains ont pris les devants, un collectif « Les jeunes avec Macron », dont les fondateurs se réunissent ce jour-là dans un café parisien. » Pas une vulgaire brasserie :

« Ils règlent des détails logistiques. » « Non, on n’a pas besoin de louer de camionnette parce qu’on a un pote qui va nous prêter un camion », rappelle un militant en plein préparatifs de la grande manif unitaire de samedi, appelée à surpasser celle de mercredi dernier organisée par la gauche archaïque inféodée aux syndicats d’un autre temps. « Tout doit être prêt pour samedi, jour du lancement officiel de leur laboratoire d’idées, “La gauche libre”. » D’être de droite. « On n’est ni un fan club ni un parti politique. Ce qui nous plaît, ce sont les idées d’Emmanuel Macron. »

« Il est pas si de droite que ça. », affirme un membre fondateur du premier parti de gauche du ministre le plus populaire de France. « 60% de nos 3 000 adhérents vivent leur première forme d’engagement », se réjouit un autre macroniste, insistant sur la variété du recrutement : « Conducteur de travaux, professions libérales, cuisiniers, des étudiants, des entrepreneurs, des cadres, des agents administratifs… », des préparateurs à Auchan, des cordistes de silos à sucre

« Sa popularité, il a pu la mesurer au Salon de l’agriculture, poursuit l’enquêteur. Pour François Hollande, Manuel Valls et Stéphane Le Foll, l’accueil a été glacial. » Longs extraits des quolibets adressés aux malfaisants. « De son côté, le patron de Bercy déambule tranquillement d'un stand à l’autre », le nez dans un verre de blanc. « C’est tellement délicieux quand on le boit jeune, explique le vigneron… C’est le péché de la jeunesse ! » Le ministre sourit tellement délicieusement, un autre vigneron précise : « Ne vous inquiétez pas, c’est un vin qui peut aussi vieillir. » 2017 ou 2022, de toute façon, on y goûtera.

« Ambiance joviale, quand on interpelle le ministre, c'est pour lui réclamer des photos. » Exactement comme pour la commémoration de l’armistice de 1918, en novembre dernier, quand les gens du peuple (des commerçants des Champs-Elysées) lui tombaient dans les bras devant les reporters ébahis de BFMTV. « Je suis un de vos fans, monsieur le ministre ! », clame un visiteur du Salon de l’agriculture. « Je vous aime trop » ; « Vous êtes charmant », disent les femmes en pâmoison, aussi éprises qu’Anna Cabana dans Des paroles et des actes d’amour, il y a un an sur France 2. « C’est le nouveau président ! », résume un admirateur. « Le nouveau président, réitère le reporter. Certains spéculent déjà. » BFMTV ne se laisserait pas aller à de telles élucubrations. « Serait-il tenté par l’élection de 2017 ? » Ou devrions-nous organiser un putsch pour le porter dès aujourd’hui au pouvoir ?

« Emmanuel Macron avance avec prudence. » Il vaut mieux, quand on est destiné à sauver la France. « Qu’il tire son épingle du jeu semble paradoxal. » Avec la curée dont il est l'objet dans des médias sans pitié, c’est inespéré. Pour changer des journalistes, le reporter interroge un sondologue employé par les journalistes pour réaliser des enquêtes sur la popularité du ministre le plus populaire de l’histoire de France, Gaël Sliman, président de l’institut de sondages Odoxa. « Il est celui qui incarne ce qui est le plus critiqué dans le gouvernement, c’est-à-dire la politique économique. Et pourtant, chose incroyable, lui à titre personnel s’en sort très bien puisqu’il est la personnalité politique préférée du gouvernement. » Chose incroyable, les sondés – pardon, « les Français » – disent exactement la même chose que les journalistes qui les font interroger par les sondeurs : « Les Français estiment qu’il est compétent, qu’il maîtrise bien ses dossiers et qu’il n’a aucune langue de bois. » Oui, je me souviens, « il a la parole très libre ».

« Le technocrate, l’ancien banquier de chez Rotschild a changé d’image. » Laquelle ? Celle de la couve de Marianne, de L’Obs ou de L’Express ? « Pour faire passer sa loi, il privilégiait le dialogue. C’est Manuel Valls qui a choisi de passer en force avec le 49-3. » Pauvre Emmanuel Macron, si brillant négociateur brimé par son patron jaloux de sa popularité la plus populaire de France. « Première friction entre eux, et ça ne s’est pas arrangé ». « Les relations entre les deux hommes se sont extrêmement tendues, elles sont tout bonnement exécrables, confirme un journaliste. Les entourages balancent des peaux de banane. » Du coup, la mode est aux mocassins à clous.

« Ils sont clairement en concurrence pour l’après-Hollande, analyse un analysologue. Les deux sont sur le même créneau, c’est-à-dire le social-libéralisme à la française. » A ne pas confondre avec le libéral-socialisme ni avec le libéral-libéralisme.

Interrogé sur la candidature d’Emmanuel Macron pour 2017, le député Pascal Cherki réagit : « Pour quel parti de droite il va être candidat ? » L’UMP, l’Union des médias populaires ? L’enquêteur y croit : « De la politique-fiction, pas tant que ça. » Plutôt de la BFM-fiction. « Plusieurs proches d’Emmanuel Macron ont espéré précipiter les choses. Parmi eux, Jean Peyrelevade, un grand patron proche de François Bayrou. » Et du peuple de gauche. « Puis il y a eu les attentats, le petit groupe a préféré temporiser. » L’état d’urgence ne se prêtait pas à l’organisation d’un putsch.

« S’il intègre le jeu des partis, redoute l’enquêteur, l’ambitieux ministre risque de perdre la liberté de ton qui le rend si populaire. » Surtout auprès des jeunes, rappelons-le. « Pour l’instant, il préfère rester à l’écart et à l’affût. » Un peu comme Ségolène Royal en 2006, qui était à l’affût dans tous les médias. « L’élection de 2017 pourrait faire bouger les lignes du paysage politique. » Mais pas la ligne de conduite de BFMTV.

Ma vie au poste, le blog de Samuel Gontier
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