Sur la photo, exposée dans l'un des blocs du camp de concentration d'Auschwitz, transformés en musée, deux jeunes enfants sourient. En surimpression, leur date d'arrivée dans le camp, en 1942, et le jour de leur mort. Entre les deux, quarante-huit heures se sont écoulées. Hafita, une collégienne niçoise, dont le visage émerge à peine sous la capuche de sa doudoune, reste comme figée face à ces destins.
Incapable d'exprimer autre chose que de « la pitié » ou de « la tristesse », choquée par « tout » ce qu'elle voit depuis le matin : les baraquements de Birkenau où les déportés attendaient la mort, les ruines d'une chambre à gaz, un four crématoire, les amoncellements d'objets personnels des prisonniers, l'amas de cheveux coupés sur les cadavres, les photos de morts-vivants… Le froid, moins dix degrés, accentué par un vent persistant qui tétanise les corps, ajoute à l'atmosphère de désolation.
Cette élève de 3e du collège niçois Louis-Nucera, situé en ZEP, participe avec 180 jeunes de neuf établissements au « voyage de la mémoire », organisé jeudi 30 janvier par le conseil général des Alpes-Maritimes. En dix ans, l'initiative, lancée par Christian Estrosi et le conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), puis perpétuée par Eric Ciotti, l'actuel président du conseil général, a offert cette expérience-choc à 11 000 collégiens.
« ÉVITER UNE BANALISATION DE CETTE PÉRIODE DE L'HISTOIRE »
Face aux récents débats sur l'enseignement de la Shoah et aux nouvelles manifestations d'antisémitisme, les responsables politiques niçois défendent mordicus cette action, qui coûte 290 000 euros par an à la collectivité locale. « Nous voulons que cette génération qui voit disparaître les derniers témoins de la Shoah produise elle-même des témoins, pour éviter une banalisation de cette période de l'histoire », fait valoir M. Ciotti.
Imperméables aux interrogations sur la pertinence de ces voyages-émotion chez des jeunes de 14-15 ans, tous ces élèves, volontaires, sélectionnés sur lettre de motivation ou au vu de leurs (bons) résultats, sont plutôt d'accord avec les adultes qui les accompagnent. « Il ne faut jamais s'arrêter de raconter », martèle Charles Gottlieb, 89 ans. Ce rescapé d'Auschwitz vient chaque année décrire in situ l'horreur du quotidien des déportés. « Si on ne raconte pas cette histoire, c'est comme si on était condamné à la revivre », abondent Chayna et Rania, deux élèves du collège Louis-Nucera, reprenant « la phrase d'un philosophe ».
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