Hôpital : les médecins écoutent les malades... 23 secondes !

23 secondes, c'est le temps moyen de parole accordé à un patient avant qu'il ne soit interrompu par le spécialiste qu'il est venu consulter.

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Pour bien soigner, il faut prendre le temps d'écouter les patients
Pour bien soigner, il faut prendre le temps d'écouter les patients © CARO FOTOS/SIPA

Temps de lecture : 2 min

« Pour soigner, il faut écouter. » Cette affirmation, frappée au coin du bon sens, émane de deux femmes médecins hospitaliers. Pour elles, il s'agit plutôt d'une supplique. Dans le livre Docteur, écoutez ! * qu'elles viennent de rédiger, Anne Révah-Lévy, professeur de pédopsychiatrie, et Laurence Verneuil, professeur de dermato-vénéréologie, dressent un tableau implacable du quotidien dans les hôpitaux. Le chiffre qu'elles citent en premier a de quoi inquiéter : le temps moyen de parole accordé à un patient avant qu'il ne soit interrompu par le spécialiste consulté est de 23 secondes. Moins d'une demi-minute avant que ce dernier ne veuille « reprendre la main ». Alors que, dans tous les beaux discours, l'écoute est présentée comme indispensable à une médecine de qualité.

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Médecin ou psychiatre ?

L'ouvrage commence par une anecdote significative au cours d'une « journée d'accueil des internes » mise en place dans un hôpital de la banlieue parisienne. Après la visite des lieux, une chef de service décide de parler à ces futurs médecins de la qualité d'écoute des patients. Immédiatement, l'un de ses collègues – lui aussi chef de service – s'esclaffe : « C'est parce que tu es psychiatre ! » Et ajoute : « Moi, j'ai 10 minutes par patient sur le logiciel de rendez-vous, et il n'y a rien à faire, il faut que je remplisse tous les créneaux. Alors, je n'écoute pas, j'ai trop de choses à expliquer, des papiers à faire signer. Faut vraiment être psychiatre pour croire que les médecins peuvent écouter ! »

Ainsi va la médecine aujourd'hui. Les « blouses blanches » se plaignent d'être débordées par les contraintes et le manque de temps, les patients regrettent vraiment de ne pas avoir la possibilité de s'exprimer. « L'hôpital est en train de broyer les soignants, y compris médecins », écrivent les auteurs. « On nous a imposé une vision entrepreneuriale de l'hôpital, les soins et les patients sont des marchandises. [...] Ce qui existe dans les hôpitaux n'est pas de la médecine, c'est la distribution plus ou moins réussie de traitements qu'on compte pour ce qu'ils rapportent à l'hôpital. »

Les nouvelles technologiques comme sauveur ?

Après ce tableau très noir, les auteurs estiment qu'un changement est possible. Elles invitent les patients et les médecins à ne pas baisser les bras et à donner de la voix pour se faire entendre, notamment des politiques. Elles insistent sur le rôle de la faculté dans la formation à l'écoute et la réhumanisation des soins. « Cela ne coûte pas cher et tout le monde s'en portera mieux », ajoutent-elles. Enfin, elles estiment que la diffusion du savoir sur Internet pourrait être l'occasion de redonner plus de place à l'écoute. Les nouvelles technologies peuvent « contribuer à l'amélioration du lien patient-médecin et à sa valorisation en facilitant l'utilisation et l'application de données médicales et scientifiques de qualité pour le médecin, libérant en lui du même coup un espace psychique et énergétique qu'il pourrait consacrer à l'écoute. » Alors, écoutons-les !

* Éditions Albin Michel, 162 pages, 13 €

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Commentaires (7)

  • Maubouss

    Ce chiffre de 23 secondes qu'on nous ressort depuis longtemps (et pour cause) vient d'un etude américaine réalisée chez des generalistes américains entre 1995 et 1996 sur 29 médecins. Et j'le prouve : http : //arabic. Hadassah-med. Com/media/2003617/11SolicitingthePatientsAgenda. Pdf

  • Marsilien

    Quel sujet intéressant quand même !

  • Tj85710

    Pour un spécialiste, le patient est juste le véhicule de sa spécialité. Vous avez mal à un genou ? Vous apportez un genou à votre orthopédiste. Et un genou, ça ne parle pas.