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L’après-COP21 accumule les difficultés

Trois mois après la signature de l’accord historique sur le climat, tout reste à faire pour concrétiser les engagements des Etats et élever leurs ambitions.

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Publié le 11 mars 2016 à 13h29, modifié le 13 mars 2016 à 11h58

Temps de Lecture 6 min.

Ségolène Royal avec le ministre de l'environnement ivoirien, Rémi Allah Kouadio, dans le parc naturel du Banco, à Abidjan, le 26 février.

Laurent Fabius, Christiana Figueres, Ban Ki-moon et Laurence Tubiana. La « dream team » de l’accord de Paris sur le climat est en pleine déliquescence. Des quatre principaux artisans du texte historique adopté le 12 décembre 2015 pour lutter contre le réchauffement climatique, l’un a quitté l’équipe, deux sont sur le départ et le quatrième pourrait faire de même. L’ex-ministre des affaires étrangères, qui a cédé son fauteuil au Quai d’Orsay pour la tête du Conseil constitutionnel, espérait pouvoir poursuivre sa mission de président de la 21e Conférence des parties (COP21) jusqu’en novembre, à Marrakech, où la France passera le relais au Maroc. Malgré lui, il a été remplacé dans cette fonction par Ségolène Royal, la ministre de l’environnement, également « en charge des relations internationales sur le climat » depuis le remaniement du 11 février.

Christiana Figueres, l’énergique diplomate costaricaine qui dirige depuis six ans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), l’instance de négociation multilatérale sur le climat, a déclaré qu’elle refuserait toute prolongation de son mandat, qui expire en juillet. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, instigateur notamment du sommet sur le climat de septembre 2014, ne pourra briguer un troisième mandat début 2017. La négociatrice en chef française, Laurence Tubiana, parfaite connaisseuse des enjeux et des acteurs du débat, envisage elle aussi un départ. Tentée par le poste de Christiana Figueres, elle devra se décider avant le 26 mars, date limite de dépôt des candidatures. « Il n’est pas facile de savoir quel est le meilleur endroit pour peser et agir sur le dossier climat », explique-t-elle.

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Contraints ou volontaires, ces mouvements individuels n’envoient pas un bon signal alors que l’accord de Paris – engageant les 195 pays membres de la CCNUCC à maintenir le réchauffement au-dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels – fête samedi 12 mars ses trois mois d’existence. « Une autre phase s’ouvre avec la mise en œuvre de l’accord, ce n’est pas forcément un mauvais moment pour changer d’équipe », tente de minimiser Janos Pasztor, le conseiller pour le climat de M. Ban. Pour cette nouvelle phase, temps de l’action, François Hollande a décidé de s’en remettre à Ségolène Royal.

Gage de la présidence « active, efficace et dans la continuité » qu’elle entend assurer, la ministre de l’environnement multiplie depuis les réunions à Paris et les déplacements. Fin février, elle a traversé au pas de charge cinq pays africains et du Proche-Orient – Egypte, Ethiopie, Côte d’Ivoire, Guinée et Sénégal – pour y vanter les énergies renouvelables. Thème qu’elle évoquera de nouveau à partir du 13 mars en République démocratique du Congo, au Gabon et au Nigeria. « Fabius devait conduire les 195 Etats de la Convention-cadre vers un compromis, il a rempli sa mission, estime Seyni Nafo, qui préside le groupe de l’Afrique à la CCNUCC. Maintenant, il faut assurer le service après-vente de l’accord, c’est Royal qui va s’en charger. »

Chantiers balbutiants

« La COP21 a été un succès, mais ça, c’était la partie facile », a ironisé, fin janvier au Forum de Davos, la patronne de la CCNUCC, Mme Figueres. Elle sait que tout ou presque reste à faire pour transformer la feuille de route de Paris en plan d’action crédible, car les engagements actuels des Etats ne suffisent pas à tenir le cap des 2 °C.

« La première tâche incombant à Ségolène Royal est de mobiliser les chefs d’Etat et de gouvernement pour la cérémonie de signature de l’accord, programmée le 22 avril à New York », détaille Laurence Tubiana. Mais ce n’est pas tout : « Elle doit aussi avancer sur le processus de mise en œuvre, remettre en marche la machine de négociation et poursuivre l’“agenda de l’action” [qui fédère de nombreux acteurs non étatiques, entreprises ou collectivités territoriales]. » Autant de fronts qui s’ajoutent à une actualité déjà chargée : suivi des lois de transition énergétique et sur la biodiversité, déminage des dossiers de la centrale nucléaire de Fessenheim et du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes…

« L’une de nos craintes est que la présidence française se concentre sur l’agenda de l’action attribué à Ségolène Royal durant la COP21, mais qu’elle n’enregistre aucune avancée notable sur leplan international », pointe Célia Gautier, du Réseau action climat (RAC). La ministre s’en défend : « Un courrier va partir dans les 28 Etats de l’Union européenne pour mobiliser l’Europe sur le climat, et un autre, cosigné par Ban Ki-moon, François Hollande et moi-même, sera adressé à tous les pays pour leur rappeler l’importance de s’engager dans le processus d’action. »

La présidente de la COP21 prévoit d’organiser à Paris des consultations informelles des négociateurs du 14 au 16 avril pour préparer la session de Bonn, mi-mai, où seront examinés notamment le mécanisme de transparence et le suivi des engagements nationaux. Elle veut faire de la séance protocolaire du 22 avril une « journée de la Terre » associant la société civile et un point d’étape sur trois grands chantiers ouverts en décembre 2015 mais encore balbutiants : l’alliance solaire internationale du premier ministre indien Narendra Modi ; les investissements du secteur privé dans l’économie « bas carbone » ; l’initiative de 10 milliards d’euros en faveur des énergies renouvelables en Afrique.

« On ne peut pas dire en décembre qu’il faut avancer vers une économie décarbonée et continuer, en janvier, à valider le projet de Notre-Dames-des-Landes. » Pascal Canfin, WWF France

« Le sentiment général des délégués, c’est qu’il faut passer à la vitesse supérieure, a réagi le diplomate malien Seyni Nafo à la sortie de la première rencontre post-COP21, fin février à Tokyo. Le climat est en compétition avec d’autres sujets, la crise de l’économie mondiale, le terrorisme, la Syrie. Il faut à tout prix éviter l’inertie. »

Un autre danger menace la dynamique enclenchée à Paris : la contradiction entre les engagements pris il y a trois mois par la communauté internationale et la réalité des politiques nationales. La France en est une illustration, un pied dans la transition énergétique, un autre dans des projets polluants ou énergivores comme celui de Notre-Dame-des-Landes. « On ne peut pas dire, en décembre, qu’il faut avancer vers une économie décarbonée et continuer, en janvier, de valider ce projet aéroportuaire », estime l’ancien ministre délégué au développement Pascal Canfin, aujourd’hui directeur général du WWF France.

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La cacophonie est plus marquante encore à l’échelle européenne. L’UE, à l’origine pendant la COP21 d’une « coalition pour une haute ambition », s’est révélée incapable début mars de relever les objectifs du « paquet climat-énergie » – réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 – devant le refus de pays à l’économie très carbonée, comme la Pologne ou la République tchèque.

Lueur d’espoir

Aux Etats-Unis, la Cour suprême saisie par 27 Etats, pour la plupart à majorité républicaine, a suspendu mi-février l’application du « Clean Power Plan », qui impose aux centrales électriques des réductions drastiques de leurs émissions de CO2 à l’horizon 2030. Début mars, le Canada a repoussé de six mois son projet de transition vers une économie sobre en carbone, faute de consensus entre le gouvernement fédéral et les exécutifs provinciaux, dont certains restent attachés à l’exploitation des sables bitumineux.

Jeudi 10 mars, les deux pays ont annoncé en revanche une baisse de 40 à 45 % de leurs émissions de méthane, afin de respecter les engagements pris à Paris. Cette lueur d’espoir a dû réconforter un peu Ségolène Royal, qui arrivait au même moment à New York pour y rencontrer le lendemain Ban Ki-moon et travailler avec lui sur « le programme de toute l’année et les résultats à obtenir d’ici à novembre ».

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