« Mineur, le sort de la France est entre tes mains », vantent les campagnes gouvernementales de l’après-guerre, appelant les « gueules noires » à remporter « la bataille du charbon ». « C’est l’une des rares périodes où l’ouvrier a compté », se souvient avec nostalgie Achille Blondeau, mineur, déporté pour faits de résistance.

L’ouvrier est alors respecté pour sa force de travail et sa droiture. « Au fond de l’abîme, seule la classe ouvrière dans sa masse aura été fidèle à la France profanée », écrit François Mauriac dans ses « cahiers noirs », à la mémoire de ces résistants de la première heure.

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Une identité victime des mutations économiques

Interrogés par Claire Feinstein et Gilles Perez, des ouvriers de toute la France partagent le sentiment d’être passés en quelques années de la figure de « héros » de la résistance puis de la reconstruction à celle d’« agents de Moscou » (notamment lors des grandes grèves de 1947 et 1948) et de contestataires.

Aujourd’hui, ils se sentent invisibles, oubliés. Leur nombre a pourtant peu varié. La France compte encore plus de 6 millions d’ouvriers, soit près d’un quart de la population active selon l’Insee

Mais leur identité forte, leurs valeurs collectives, leur éducation populaire ont été limées par les mutations de l’économie (automatisation, désindustrialisation, financiarisation…), la segmentation des emplois et les représentations sociales.

De la mémoire au temps présent

« Il y a des ouvriers, mais il n’y a plus de classe sociale », résume l’historienne Marion Fontaine. Remplacer le terme d’« ouvrier » par celui d’« agent de production » a contribué à « briser une identification sociale et politique », renchérit son collègue Xavier Vigna.

Ils ont cru que la politique pouvait améliorer leur situation, notamment lors de la première campagne de François Mitterrand. Déçus, ils se sont peu à peu réfugiés dans l’abstentionnisme, davantage que dans le vote FN.

Il faut les écouter parler de leur histoire, de l’évolution de l’économie, des conséquences du chômage sur le moral, la famille, le respect des enfants envers leurs parents et leur pays. Cette lumineuse saga historique, nourrie de mémoires ouvrières entrelacées et d’analyses de sociologues et d’historiens, aide à comprendre la France d’aujourd’hui.

Nous ouvriers. « Nos mains ont construit la France » (1/3), lundi 14 mars à 23 h 25 sur France 3 ; « Nos rêves ont façonné la société » (2/3), lundi 21 mars après le Soir 3 ; « Nos cœurs battent encore » (3/3), lundi 28 mars après le Soir 3.