Renaud, confessions sans fard : extraits de notre entretien exclusif

2016 devrait être l'année Renaud : le 8 avril, le revenant de la chanson sort un nouvel album... et il reprendra la route pour une tournée des Zénith dès octobre. Pour parler de ce retour, mais aussi des années passées, de la famille, des succès, des déboires, il nous a accordé un entretien exclusif. Extraits.

Renaud sort un nouvel album le 8 avril. Il s'est confié à Télérama dans un entretien exclusif.

Renaud sort un nouvel album le 8 avril. Il s'est confié à Télérama dans un entretien exclusif. Photo : Yann Orhan

Par Valérie Lehoux

Publié le 14 mars 2016 à 12h00

Mis à jour le 26 décembre 2022 à 18h16

Nous avons rencontré Renaud. Chez lui, à l'Isle-sur-la-Sorgue, où il s'est acheté une maison au milieu des années 80 et qu'il habite vraiment depuis quatre ans. Une maison toute en longueur, pas ostentatoire, au milieu des chênes verts et des pins – il y a eu, un temps, un potager bio qu'il promet de remettre un jour en état. Mais c'est ailleurs, à la terrasse du troquet qu'il fréquente tous les jours, qu'il a bien voulu répondre à nos questions. Méfiant d'abord, échaudé par des médias qui depuis des années n'ont pas manqué de l'étriller, ou même de publier des photos volées de ses dérives alcoolisées. Puis, de plus en plus confiant, abordant sans détour et sans filtre tous les thèmes que nous lui avons soumis. Y compris les plus sensibles et les plus douloureux.

Retrouvez l'intégralité de cet entretien exclusif avec Renaud dans le Télérama qui sort en kiosques le mercredi 16 mars ou, pour nos abonnés, dès à présent sur télérama.fr

C'est qu'il va mieux. Et même qu'il va bien. Parfaitement sobre depuis près de six mois. Son nouvel album – sobrement intitulé Renaud –, qui sort le 8 avril (chez Parlophone), signe sa renaissance. Autant Rouge Sang nous avait déçus, autant sur celui-ci on retrouve sa patte et sa voix – sur certains titres, quasi identiques à celles des grandes années ; son regard sur l’actualité marqué par les attentats de l'an passé (Hyper Cacher, J’ai embrassé un flic), ses adresses en forme d’hommage (Dylan, sur un jeune mort sur la route, écrit un peu à la façon de P’tite Conne), ses déclarations d'amour à son fils ou sa petite fille (Héloïse, Ta Batterie, Petit Bonhomme) ou ses confessions sans fard (Les Mots, La Vie est moche et c’est trop court). En octobre, après dix ans loin des scènes, il se lancera dans une nouvelle tournée, à travers toute la France. Et, pour parfaire sa remise en forme, incroyable mais vrai, Renaud s'est mis aux pilates, « un mélange de yoga et de tai chi… Franchement, c'est super ».

La renaissance

« Il y a encore un an, je ne pensais pas revenir. Jusqu'à ce que Grand Corps Malade, que je connaissais déjà un peu, vienne me voir ici, et me propose de participer à son album collectif, Il nous restera ça. Chaque auteur devait y faire un texte, en y intégrant cette phrase, “il nous restera ça”… J'ai écrit Ta batterie, en pensant à mon fils Malone, et ça ma redonné le goût de l'écriture – bien que celui des boissons anisées perdurait encore à ce moment-là. Puis à l’automne, à Bruxelles, je suis entré en studio pour enregistrer. Mais j’étais incapable de chanter. Plus de voix. Je suis allé dans une clinique pendant deux semaines pour un bilan complet. Il n’y a que le cœur qui était en danger. Ils m’ont mis sous perfusion et tout est rentré dans l’ordre. Puis j’ai vu un addictologue pour l’alcool et je me suis arrêté tout seul, du jour au lendemain. Le 21 mars, cela fera exactement six mois que je n’ai pas bu une goutte. Même dans un Mon Chéri. Et je m’en porte à merveille. »

La famille

« Mes parents m’ont offert une enfance douce comme le miel. Je viens d’une famille aisée mais pas bourgeoise financièrement – peut-être au niveau culturel. J’ai un frère jumeau, David. Mon côté double, ange et démon, vient-il de là ?? Je ne sais pas. Le grand public connaît davantage mon frère aîné, Thierry, avec qui j'ai des relations fluctuantes, qui peuvent être très tendues.

Notre père, Olivier Séchan, était romancier. Il a reçu plusieurs prix, dont celui des Deux Magots, celui du roman d’aventure… Il enseignait aussi, et il traduisait, de l'allemand, de l'anglais, de l'italien, même du néerlandais. Pendant la guerre, il a travaillé pour Radio Paris, et pour cela, il a été jugé à la Libération. Le tribunal, qui n’avait pas d’indulgence envers les collabos, l’a acquitté. Mais plusieurs fois, quand j’étais ado, on m’a traité de fils de collabo. C’est une blessure, évidemment. »

Les médias

« J’ai peur d’eux, je ne les aime pas trop – j’ai même eu des paparazzis sur le dos, ce qui est une honte – et à la fois, j’ai donné beaucoup d’interviews. Trop. Les médias ne m’ont pas épargné. Très vite, on m’a accusé d’être un usurpateur, un petit-bourgeois déguisé en loubard, tout ça parce que j’avais eu le malheur de parler de mes origines familiales. En fait, j’ai découvert la banlieue à 21 ans par l’intermédiaire d’une fiancée qui m’avait emmené dans un bistrot d’Argenteuil, où son frère vivait. C’est là que j’ai rencontré des jeunes du quartier. Leur rébellion me faisait rêver. Je me suis identifié à eux. Je me suis mis à les fréquenter, à vivre comme eux, m’habiller comme eux, raconter leurs histoires. J’ai voulu intégrer leur bande. Mais on perd toujours contre les médias. Ils ont le dernier mot. »

Les années noires

« Je ne me suis jamais remis de mon enfance envolée. Les gens célèbrent leur anniversaire joyeusement avec un gâteau, des bougies, des textos… Pour moi, chaque année qui passe est un coup de poignard dans ma jeunesse, un pas de plus vers la mort. Dans les années 1980, j’ai eu le bonheur de voir naître ma fille, mais en la regardant grandir, je me suis vu vieillir. La période a coïncidé avec mes premières grosses déceptions politiques ; et la perte d’amis, comme Coluche. Petit à petit, je me suis enfoncé. Dépression, alcool, hypocondrie, paranoïa.

Mon retour actuel, après de nouvelles années de dépression, est assez semblable à celui de 2002. Sauf que cette fois, je ne repiquerai pas. Il y a eu Renaud le Renard, maintenant il y a Renaud le phénix. Le Renard est derrière moi, je ne veux plus jamais le revoir. »

Cher lecteur, chère lectrice, Nous travaillons sur une nouvelle interface de commentaires afin de vous offrir le plus grand confort pour dialoguer. Merci de votre patience.

Le magazine en format numérique

Lire le magazine

Les plus lus