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Ce geste d'une militante de Trump est bien un salut nazi

Elections américaines de 2016dossier
Birgitt Peterson, une militante pro-Trump, est devenue célèbre ce week-end, pour avoir fait un salut bras tendu devant des manifestants lors d'un meeting du républicain particulièrement agité. Elle se défend, mais sa version est contestée.
par Tristan Berteloot
publié le 14 mars 2016 à 15h22
(mis à jour le 15 mars 2016 à 10h31)

Elle est surnommée depuis ce week-end la «nazie Trump». Birgitt Peterson, 69 ans, habitante de Yorkville, dans l'Illinois, est la militante républicaine fan de Donald Trump photographiée samedi dans le Chicago Tribune, principal quotidien de la ville de Chicago, faisant un salut nazi. Le cliché avait été pris la veille, à l'extérieur d'une université de la ville, où devait se tenir un meeting du favori à la primaire républicaine, après que des altercations entre partisans et opposants au milliardaire américain l'ont contraint à l'annuler à la dernière minute. Pris par le photographe du Chicago Tribune Jason Wambsgans, il montre Birgitt Peterson, qui porte un tee-shirt «Trump 2016, make America great again», faire ce geste fasciste (mais d'origine américaine) devant un manifestant qu'elle semble, ainsi, défier.

Interrogée dimanche par le New York Times, Birgitt Peterson, qui est née à Berlin ouest en 1946, et est citoyenne américaine depuis 1982, raconte avoir été heurtée par les manifestants présents à la sortie du meeting : certains auraient été particulièrement agressifs, et l'un d'eux aurait tenu une affiche représentant Adolf Hitler. «Ils disaient que Trump était un nouvel Hitler», affirme-t-elle, «ils disaient qu'on était là pour voter Hitler», ils auraient fait les saluts nazis les premiers. «J'ai répondu : "Vous savez ce que ce geste signifie ? Vous savez qui était vraiment Adolf Hitler ? Non, vous ne le savez pas. Si vous voulez faire les choses correctement, faites les correctement".» Et c'est là que Birgitt Peterson aurait, à son tour, tendu le bras droit vers le ciel, en signe de protestation, «et rien d'autre», selon le New York Times. «Non, je ne suis absolument pas une nazie. Je n'ai rien à voir avec eux», assure la femme au quotidien américain.

Une version qui diverge un peu de celle de l'homme à qui le geste était adressé. Michael Joseph Garza, qui dit être présent sur la photographie de Jason Wambsgans, a raconté samedi sur son compte Facebook qu'il n'était pas là pour agresser Birgitt Peterson, mais pour la protéger, de la foule notamment, et des manifestants qui l'invectivaient. «Madame, nous vous avons écouté. Nous comprenons que vous pouvez trouver que tout cela est un peu sauvage, mais nous avons dégagé un chemin et nous vous demandons de partir», aurait-il proposé à Birgitt Peterson, lui montrant une voie vers la sortie. «Elle s'en va et là, elle sort, je cite : "m'en aller ? De mon temps, vous savez ce que nous [aurions] fait. Heil Hitler"», ajoutant le geste à la parole. La version de Birgitt a elle aussi été démentie par Jason Wambsgans. A Libération, le photographe raconte avoir pris une quinzaine de photos de la femme faisant le salut nazi, mais n'avoir vu aucun manifestant le faire, et n'avoir pris aucun cliché d'eux. Il confirme qu'une affiche caricaturant Hitler était bien présente, et que les pro et anti-Trump se provoquaient continuellement, mais qu'il a bien entendu Birgitt Peterson prononcer la phrase rapportée par Michael Joseph Garza sur Facebook («m'en aller ? De mon temps bla bla»).

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Ce n'est pas la première fois que Donald Trump ou ses supporters sont comparés au régime nazi : fin juillet, le candidat à la primaire républicaine s'était illustré par un tweet censé célébrer la grandeur des Etats-Unis, avec des soldats nazis ; début mars, dans un épisode de Saturday Night Live, un faux spot de campagne pro-Trump avait singé les supporters du républicain en les présentant en adorateurs du IIIe Reich ou du Ku Klux Klan ; dans la même semaine, la photo d'un des meetings de Trump, à Orlando, avait donné à son auditoire une allure de foule nazie...

Cette fois, si l'image a été si virale, c'est qu'elle s'inscrit dans un climat particulièrement tendu autour du cas Trump, accusé par certains médias de stimuler l'agressivité de ses militants lors de ses réunions publiques, de plus en plus sujettes à incidents, eux mêmes de plus en plus violents, comme vendredi à Chicago.

Depuis quelques semaines, les meetings de Donald Trump attirent de nombreux opposants excédés par les déclarations incendiaires du magnat de l'immobilier, lesquels sont d'ordinaire éjectés manu militari par le service d'ordre, mais le sont de plus en plus par les militants eux-mêmes, raconte Le Monde. «Au bon vieux temps, ça n'arrivait pas, parce que ces types [les opposants, ndlr] étaient traités vraiment durement», avait lancé à la foule Donald Trump, à Fayetteville, alors qu'un protestant était sorti de la salle où il tenait meeting. «J'aimerais lui balancer mon poing dans la figure», avait-il aussi asséné à Las Vegas, au sujet d'un homme qui l'avait interrompu dans son discours. Quelques semaines plus tôt, dans l'Iowa, il avait déjà invité ses supporteurs à «cogner» ceux qui perturbaient ses réunions : «je paierai les frais d'avocats», aurait même dit le milliardaire américain, encore selon Le Monde.

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«La rhétorique [de Trump] incite les débordements brutaux à ses rassemblements», a dénoncé dimanche un éditorial du Washington Post. Elle l'est lors des meetings, où le milliardaire ne se gêne pas pour être raciste et sexiste, mais également sur les réseaux sociaux, où Donald Trump est tout autant provocateur. Samedi, ce sont ses supporters (dont l'un des fils de Donald Trump, Donald Trump Junior), qui se sont chargés de prendre sa défense, identifiant à tort la femme de la photo de Jason Wambsgans comme étant Portia Boulger (elle aussi la soixantaine, cheveux blancs et frisés), une activiste membre de «Women for Sanders», une association de militantes pro-Bernie Sanders, le candidat à la primaire démocrate opposé à Hillary Clinton dans la course à l'investiture. Une façon pour eux d'accuser le camp d'en face, et avec eux les médias, de manipuler l'opinion. Portia Boulger avait démenti quelques heures plus tard. «Je n'étais pas à Chicago hier après-midi, répandant la haine. Et j'ai les cheveux courts», avait-elle écrit sur Twitter, accompagnant son texte d'une photo d'elle.

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