L'étau judiciaire se resserre autour du Parti populaire du chef du gouvernement espagnol sortant Mariano Rajoy, submergé par des affaires de corruption, rendant encore plus difficile son maintien au pouvoir.

«Dans ce pays, la seule chose qui marche, c'est la corruption», a dit à son fils une ancienne conseillère municipale du PP à Valence, en lui expliquant comment elle a dû virer mille euros au parti, qui l'a remboursée en liquide, une manière de blanchir des fonds de provenance illicite.

La conversation téléphonique était à la Une de tous les médias mardi.

Ces propos ont été enregistrés par la garde civile et versés au dossier judiciaire sur un système de trucage de marchés publics à Valence, bastion de la droite espagnole jusqu'à l'an dernier.

Des entrepreneurs auraient versé selon la presse des commissions pour obtenir des marchés publics, dont une partie servait à financer le PP de la région.

L'argent coulait à flot et ces rentrées étaient difficiles à justifier, «une corruption politique totale», expliquait l'ancienne élu à son fils.

Dans cette conversation, elle laisse entendre que le blanchiment lui avait été demandé par une secrétaire de l'ex-maire de Valence et sénatrice du PP Rita Barbera, figure de la droite en Espagne, un temps proche de Mariano Rajoy et de sa vice-présidente Soraya Saenz de Santamaria.

Le juge chargé de l'enquête a du coup mis en examen le PP pour «blanchiment», une première.

Rita Barbera a assuré mardi qu'elle n'avait commis «aucun délit» et déclaré que ces insinuations étaient «infondées» et «totalement fausses».

Le PP a lui annoncé mardi soir l'ouverture d'une enquête interne sur Rita Barbera et les autres mis en cause dans cette affaire pour «savoir ce qui s'est passé», a déclaré un responsable du PP Fernando Martínez-Maíllo.

«Pas capable de nettoyer chez lui» 

L'affaire a éclaté au grand jour fin janvier, deux semaines avant des perquisitions au siège du PP à Madrid, dont la présidente régionale Esperanza Aguirre a aussi démissionné après la mise en cause de proches collaborateurs.

Ces deux nouveaux scandales interviennent après les législatives du 20 décembre, où le PP au pouvoir est arrivé premier avec 28,7%, très loin de la majorité nécessaire pour gouverner.

Le Congrès des députés est morcelé entre quatre grandes forces politiques dont deux ont prospéré en dénonçant la corruption: Podemos (gauche radicale) et Ciudadanos (centre droite).

Les conservateurs sont isolés: ni les socialistes, ni Ciudadanos et encore moins Podemos n'acceptant de les soutenir, en raison justement de ces innombrables scandales.

L'homme «qui n'est pas capable de nettoyer chez lui, ne pourra le faire en Espagne», a souvent dit Albert Rivera, le leader de Ciudadanos sur Mariano Rajoy.

Un «Dictionnaire de la corruption», paru en février, recense  quelque 175 grandes affaires de corruption politique en Espagne depuis trente ans. Rien que la moitié de ces affaires ont permis de détourner au moins huit milliards d'euros d'argent public, écrivent les auteurs.

Le PP est impliqué dans 68 affaires et le Parti socialiste dans 58 selon ce livre.

«À Valence et Madrid, le PP a disposé de majorités absolues pendant vingt ans (...) Cela a créé des réseaux qui ont cru pouvoir compter sur l'impunité», expliquait récemment à l'AFP, sous couvert de l'anonymat, un élu national du PP.

Il évoquait un cocktail fatal aussi à d'autres formations: de «nombreuses tentations» et «l'absence de mécanismes de contrôle». La loi ne pénalise en effet le financement illégal de partis que depuis 2015.

Les électeurs ont puni les conservateurs lors des élections régionales et municipales de 2015, où il perdu son assise territoriale dans cinq régions dont Valence.

Mais Mariano Rajoy, président du PP depuis onze ans, refuse d'assumer la responsabilité politique de la corruption, se bornant à reconnaître qu'il aurait pu lutter contre elle de façon  «plus efficace».

M. Rajoy maintient sa candidature pour diriger le gouvernement et publiquement, ses troupes le soutiennent.

Dans le parti «il y a une solidarité» autour de lui mais «notre électorat a besoin qu'il s'écarte» pour permettre un nettoyage de la formation, déclare l'élu du PP. Beaucoup espèrent qu'il «saura prendre à temps la décision», a-t-il ajouté.