L’industrie européenne bénéficie encore trop du marché du carbone, selon l’ONG Carbon Market Watch.
Depuis que l’UE a commencé, il y a plus de 10 ans, à contraindre 11.000 sites industriels à réduire leurs émissions de CO2 par le biais du marché de CO2, la question des allocations gratuites de quotas de CO2 revient au menu des négociations européennes de façon cyclique. Et notamment en ce moment, alors que la réforme du système de quotas est en cours.
Si tous les quotas étaient gratuits au départ, la norme a évolué : le don de quotas gratuitement doit théoriquement être l’exception désormais, la vente aux enchères la règle. Mais c’est sans compter le lobbying intense des secteurs concernés, qui plaident emplois et tissu industriel pour réclamer des quotas gratuits.
« Des études financées par le lobbying, par exemple celle des fertilisants, montrent que certains secteurs doivent continuer à obtenir des quotas gratuits pour rester compétitifs » constate Carbon Market Watch.
27 milliards d’euros de bonus
Le marché du carbone est entré dans sa troisième phase en 2013. Durant laquelle seules les industries vraiment exposées à des risques de délocalisation, un problème aussi appelé « fuites de carbone », obtiennent des quotas gratuits.
Selon l’ONG Carbon Market Watch, qui a mandaté un cabinet d’expert, Delft, sur ce sujet, ces quotas gratuits se traduisent toutefois en monnaie sonnante et trébuchante. Au total, ce sont 27 milliards d’euros que les industriels auraient récupéré entre 2008 et 2014. De fait, lorsque les industriels disposent de trop de quotas, ils peuvent les céder sur le marché. D’autre part, l’existence d’un marché du CO2 renchérit le prix de leurs produits : le montant du quota de CO2 nécessaire à la production d’une tonne d’acier vient s’ajouter au prix de la tonne en Europe. Du coup, une quinzaine d’industries font des « profits indus », selon l’étude du cabinet Delft. Au total, ce sont 15 milliards de profits supplémentaires qui auraient atterri dans les poches des industriels, en raison de la hausse des prix de vente de leurs produits.
En France, selon Delft, 100 millions de quotas en trop auraient été attribués entre 2008 et 2014, pour une valeur de 800 millions d’euros.
Manque à gagner de 10 milliards d’euros pour la France
Le surplus de quotas a surtout bénéficié au secteur du ciment, dont Lafarge. Mais c’est une entité d’Arcelor Mittal, ainsi que le raffineur Total, qui sont perçus comme les premiers bénéficiaires du système. Selon les calculs des experts, le renchérissement tarifaire lié au marché du carbone leur aurait permis de gagner des millions : 862 millions d’euros pour une filiale d’Arcelor Mittal, Bersillon ; 298 millions d’euros pour Total, et 176 millions d’euros pour Lafarge.
« Le gouvernement français a perdu 10,4 milliards d’euros de revenus, en donnant 866 millions de tonnes de quotas entre 2008 et 2014 » assure l’étude de Delft. Le gouvernement est parvenu à récupérer 435 millions d’euros en vendant des quotas sur la période, et en a investi la moitié sur des projets climatiques.