L’illettrisme en entreprise: un tabou à lever qui concerne plus d’un million de salariés
Responsable des relations institutionnelles et syndicales au sein de Comexposium, l’un des plus grands organisateurs de salons professionnels en France, Jacques Lambert animait ce mercredi à Lille une conférence sur ce sujet lors du Salon des comités d’entreprise.
« On estime que 2,5 millions de personnes sont en situation d’illettrisme en France, 7 % de la population, dont 51 % d’entre elles travaillent. Et votre région est encore plus touchée avec 11,5 % de personnes concernées ».
Un ouvrier très qualifié mais qui ne répondait jamais aux mails...
Il ne faut pas confondre illettrisme et analphabétisme. « Contre toute idée reçue, 71 % de la population touchée utilisait exclusivement le français à la maison à l’âge de 5 ans, certains ont même un diplôme de niveau BAC ou CAP. Mais à un moment de leur vie, ils ont arrêté de lire et écrire. La population la plus touchée a entre 35 et 50 ans ».
Une population qui travaille mais se retrouve fragilisée par rapport aux collègues ou leur hiérarchie, et qui fait tout pour cacher ce problème et contourner les difficultés.
« J’ai connu un salarié de chez Peugeot, capable de fabriquer des pièces très techniques. Mais le jour où il a dû être formé à de nouvelles machines, il ne répondait jamais aux mails, et s’est même mis en arrêt maladie par peur d’avoir à lire les notices. De fait, le salarié ayant des problèmes d’illettrisme se met en retrait de toute possibilité de promotion ou d’évolution. Cela peut même devenir une cause d’exclusion ».
Sensibiliser les entreprises
Le mal est insidieux, et difficile à détecter par les responsables des ressources humaines ou les représentants du personnel. « Il y a une vraie démarche de responsabilité sociale des entreprises à engager », estime Jacques Lambert.
Le tout nouveau président de L’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI), Thierry Lepaon (l’ancien responsable de la CGT), extrêmement sensibilisé à la question a décidé de mener une vaste campagne de sensibilisation. « Il existe des budgets alloués par les régions, des plans de formation professionnelle, ou le compte personnel de formation. Les outils existent pour évaluer la situation et remettre à niveau de manière discrète, sans stigmatiser qui que ce soit ».
Le salarié est un citoyen. Perdre la lecture ou l’écriture, ce n’est plus pouvoir se prendre en charge. « L’entreprise est le dernier lieu du vivre ensemble, estime Jacques Lambert. Le monde de l’entreprise a tout intérêt à s’emparer de ce sujet qui rassemble tout le monde ».