Pédophilie et Vatican : la tolérance zéro à géométrie variable

Le soutien apporté par le Vatican au cardinal Barbarin reflète une prudence qui tranche avec la détermination affichée par le pape au début de son pontificat.

De notre correspondant à Rome,

Temps de lecture : 4 min

« La justice française a ouvert une enquête dont il est opportun d'attendre le résultat (…) on doit manifester estime et respect envers le cardinal Barbarin. »  Porte-parole du Vatican, le père Lombardi a réitéré mardi son soutien au primat des Gaules, accusé de ne pas avoir dénoncé les abus sexuels d'un prêtre sur des enfants. Une prudence qui tranche avec la détermination affichée par le pape François au début de son pontificat.

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Quatre mois après son élection, Jorge Bergoglio avait en effet introduit dans le droit canon le délit d'abus sexuels contre les mineurs. Ainsi, le nonce apostolique à Saint-Domingue Josef Wesolowski, sur lequel pesait des soupçons de pédophilie, fût arrêté au sein du Vatican et il aurait été soumis à un procès pénal s'il n'était pas décédé entre-temps. Une première pour un membre du corps diplomatique du Saint-Siège.

Le pape François n'entendait pourtant pas s'en tenir à un cas particulier, fût-il aussi éclatant. Toujours en 2014, il crée une commission pontificale chargée d'élaborer des règles pour la protection des mineurs. Il en confie la direction au cardinal Sean Patrick O'Malley, devenu célèbre pour sa lutte contre la pédophilie dans le diocèse de Boston d'où son prédécesseur Bernard Law avait dû démissionner à la suite des révélations du Boston Globe, comme le montre le film Spotlight. Deux victimes de prêtres pédophiles font également partie de cette commission.

Enfin, le pape argentin a créé un tribunal spécial, dépendant du ministère de la Congrégation de la foi, l'ancien « Saint-Office », destiné à juger des abus de pouvoir commis par les évêques qui n'ont pas dénoncé les prêtres pédophiles.

Laver le linge sale en famille

Mais cet arsenal législatif s'est rapidement confronté aux résistances de l'appareil. La première bataille s'est jouée sur le nombre des membres de la commission. De 8 membres, elle a été élargie à 17 « pour mieux refléter l'Église universelle ». Une manœuvre pour diluer la détermination du noyau dur. De la composition de la commission à son rôle. Deux courants se sont affrontés. Les premiers voulaient poursuivre les prêtres pédophiles et faire toute la lumière sur les abus commis et couvert dans le passé. Les seconds se limitaient à un travail de prévention, sans déranger les squelettes qui dorment dans les armoires de l'Église. Ces derniers obtinrent gain de cause et Peter Saunders, l'une des deux victimes de prêtre pédophile qui faisaient partie de la commission, est parti en claquant la porte.

Il ne fut pas le seul. Le cardinal australien George Pell fût suspendu « pour prendre une période de repos afin de réfléchir sur la meilleure façon de contribuer au travail de la commission ». Formule curieuse pour un prélat cardinal-préfet du secrétariat pour l'économie, l'équivalent du ministère de l'Économie du Vatican, accusé d'avoir protégé un prêtre pédophile à Sydney.

Derrière ces manœuvres, la question fondamentale qui divise l'Église est l'obligation pour les évêques de dénoncer les prêtres pédophiles aux autorités civiles. Si pour le cardinal O'Malley, c'est « une obligation morale », la grande majorité des conférences épiscopales refusent de collaborer avec la justice civile en arguant que les évêques ne sont pas des officiers publics. Mieux vaut laver le linge sale en famille.

Composer

Quels sont les pouvoirs de pape François pour imposer la « tolérance zéro » qu'il a maintes fois invoquée ? Le récent synode sur la famille a démontré que le pape est minoritaire et qu'il a face à lui une curie qui ne craint plus de se comporter comme une véritable opposition politique. Le souverain pontife doit composer.

Reste qu'un épisode a troublé les défenseurs des enfants victimes d'abus de prêtres qui voyaient en Jorge Bergoglio leur allié. Alors qu'il avait rencontré à plusieurs reprises des victimes de prêtres pédophiles, pape François n'a pas reçu les victimes de père Maciel, fondateur des légionnaires du Christ et coupable d'innombrables abus, qui lui avaient demandé audience lors de son voyage au Mexique. Les turpitudes du père Maciel avaient été dénoncées au Vatican. Le cardinal Ratzinger, alors préfet de la Congrégation de la foi, était décidé à agir. Mais c'est du secrétariat personnel de Jean-Paul II qu'était arrivé l'ordre de ne pas intervenir contre le leader des légionnaires du Christ. François n'a pas voulu rouvrir cette page noire du pontificat de Karol Wojtyla. Au risque de faire un grave accroc à la tolérance zéro.

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Commentaires (19)

  • Passeur

    @Franky21 : à mon avis vous n'avez jamais lu, si on peut parler de lire, le "Sun", c'est un ancien expatrié en Angleterre qui vous le dit. En l'occurrence, l'article du Point apporte un véritable "éclairage " (lumineux par rapport au Sun) sur cette commission vaticane, on ne peut plus honorable et "éclairée" dont j'ignorais l'existence jusqu'à la lecture de cet article, et les obstacles qu'elle rencontre quant à la tolérance zéro des crimes pédophiles. À noter qu'il est des cardinaux qui n'ont pas perdu le nord, eux... Si vous n'aimez pas lire le Point, je vous recommande le visionnage de l'excellent film "Spotlight ", lumineux lui aussi, qui démontre ô combien les journalistes peuvent être précieux pour faire "la lumière " sur les dérives "obscurantiste" tant au sein de l'église catholique que dans la société civile. À ce propos, qu'en serait-il des cas Cahuzac, Balkany et bien d'autres sans les "révélations" journalistiques ? À noter d'ailleurs que le Point à retirer la photo d'illustration du présent article qui était, à mon avis, maladroite voire peut-être pas "innocente ". Le Sun, lui, en aurait rajouté au contraire. Bref, que la lumière soit !

  • franky21

    La tentation est certes grande c'est le journal de langue anglaise au plus fort tirage!
    Ce n'est pas à cette presse que je me suis abonné.
    Éclairez moi.
    Êtes vous un organe de presse ou d'opinion, d'information ou de ragots ?
    Sans parler des titres, des photos, vos articles sont quasi systématiquement orientés ou à charge ? Et bien abondant pour une affaire qui est entre les mains des juges ? Que faites vous de la présomption d'innocence ?
    On aurait pu espérer que l'affaire WOERTH, dans laquelle le POINT ne s'est pas grandi, servirait d'expérience.

  • Passeur

    @Janou002 : le cardinal Barbarin a dit avant hier pour sa défense : "Dieu merci, la majeure partie des faits sont prescrits". Qu'en pensez-vous ?