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Culture

Les prisonniers américains fabriquent des objets de tous les jours

Tout ce que vous pouvez voir dans l’exposition de Cameron Rowland, « 910200000 », a été produit par des taulards de l'État de New York.

#CameronRowland #91020000 at @artistsspace is such an important exhibition about prison labor and the legacy of slavery in the United States. These container lashing bars are titled "Insurance." See it before the show closes March 13.

A photo posted by JiaJia Fei ✌ (@vajiajia) on Mar 5, 2016 at 5:47pm PST

L’an dernier, The New York Times titrait « 1,5 million d’hommes noirs disparus de la société américaine ». Cette phrase était censée attirer l’attention sur le fait qu’un nombre disproportionné de jeunes hommes noirs sont incarcérés. Le Washington Post rapportait que, pour garder ces hommes en prison, dans des régions pauvres des États-Unis, cette incarcération de masse avait créé des « million dollar blocks » — des endroits où les citoyens paient plus d’un million de dollars de taxes pour mettre en taule des gens issus de ces mêmes zones. Mais l’artiste Cameron Rowland révèle, avec l’ensemble de sculptures qu’il présente dans sa dernière exposition, « 910200000 » à l’Artists Space à New York, combien la présence de ces prisonniers dans la société peut être visible dans notre quotidien.

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#CameronRowland "Attica Series Desk" (2016) @artistsspace until March 13 — a must-see, rethinking labor, slavery, history in material form

A photo posted by @p_exclamation on Mar 9, 2016 at 9:20am PST

Dans l’exposition, Rowland présente Attica Series Desk, un bureau conçu à l’établissement correctionnel d’Attica en 1971 pour meubler des bâtiments administratifs publics à New York ; des anneaux utilisés dans les rues new-yorkaises pour les bouches d’égout ; des bancs sur lesquels s’assoit le public des salles d’audience de tribunaux. Les bureaux, bancs et anneaux ont tous été fabriqués par des prisonniers de l’État de New York qui, selon Rowland, sont payés entre 0,10$ et 1,14$ de l’heure en fonction des légilsations sur le travail pénitentiaire des différents états américains. En France, la loi pénitentiaire de 2009 encadre le travail en prison par un seuil minimum de rémunération (SMR) de 45% du smic pour les activités de production et entre 20 et 33% pour le service général — une rémunération en outre peu respectée dans les faits et qui est tout à fait aléatoire.

Last days to see #cameronrowland @artistsspace. Pictured here: courtroom benches built by prisoners in Green Haven Correctional Facility. In Rowland's words, "the court reproduces itself materially through the labor of those it sentences."

A photo posted by Emily Liebert (@emilyliebert1) on Mar 10, 2016 at 3:45pm PST

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Pour Rowland, le travail pénitentiaire est une prolongation pure et simple de l’esclavage américain. Le corpus d’oeuvres comprend aussi des docuemnts comme Insurance — des certificats de Lloyd’s of London, un marché d’assurance britannique qui a fourni des négriers au début du XVIIIe siècle — et Disgorgement, un « contrat à fins de compensations » acheté par Rowland à la compagnie d’assurances Aetna. Aetna est l’une des nombreuses compagnies d’assurance qui proposaient des polices d’assurance d’esclavage à des maîtres d’esclaves. Un document de Crocraft — le Département correctionnel et d’encadrement communautaire de l’État de New York, Division des Industries — permet à Rowland et l’Artists Space de s’enregistrer comme organisation à but non-lucratif  et d’acheter des produits réalisés par des prisonniers américains. Crocraft vend aussi ce type de produits à des départements de la police, des écoles et des universités.

91020000 Cameron Rowland, Nomex fire suits by CALPIS @artistsspace only open until March 13th #91020000 #cameronrowland

A photo posted by Katy Diamond Hamer (@katyhamer) on Mar 12, 2016 at 1:25pm PST

Ces documents et sculptures sont autant de troublants rappels d’une forme d’esclavage toujours présente dans la production américaine. La preuve en est avec un système industriel pénitentiaire qui rend des zones entières des États-Unis en main-d’oeuvre pénitentiaire produisant des biens à moindre coût utilisés au quotidien par le commun des mortels du pays. L’exposition affirme également que l’accumulation de richesses dans de nombreux secteurs commerciaux privés américains sont directement issus de l’esclavage passé. L’affirmation la plus percutante que délivre Rowland avec « 91020000 » est l’exposition des moyens par lesquels l’esclavage persiste encore aujourd’hui.

Leveler (Extension) Rings for Manhole Openings from #CameronRowland's incredibly important show "91020000" 

A photo posted by ZEZE Hotel (@zezehotel) on Mar 13, 2016 at 3:07pm PDT

« 91020000 » était exposé à l’Artists Space du 17 janvier au 13 mars 2016. En espérant que l’’exposition voyage ailleurs, retrouvez-la ici.