Si le prix de la meilleure baguette suscite la convoitise, avec plus de 200 participants, son mode de sélection, qui ne tient pas compte de la régularité du produit, apparaît critiquable.
Publié le 17 mars 2016 à 18h30
Mis à jour le 08 décembre 2020 à 02h32
Chaque année, à pareille époque, le monde de la boulangerie parisienne retient son souffle en attendant les résultats du concours de la meilleure baguette « tradition » de la capitale. Organisée conjointement par la Mairie de Paris et la Chambre Professionnelle des artisans boulangers-pâtissiers (CPABP), la vingt-deuxième édition de ce prix a été attribuée ce jeudi 17 mars par un jury composé de professionnels, de journalistes spécialisés et d'internautes franciliens tirés au sort.
Réaliser un produit de qualité le jour J
Après une pré-sélection d'une trentaine de participants sur plus de 200 candidats, chaque boulanger doit déposer deux baguettes identiques qui seront notées sur 20 selon cinq critères principaux : la cuisson, la mie et l'alvéolage, le goût, l'odeur et l'aspect. Les produits doivent impérativement mesurer entre 55 et 70 cm, peser entre 250 et 300 grammes et avoir une teneur en sel n'excédant pas 18 grammes par kilo de farine. Rémi Héluin, ancien membre du jury et rédacteur passionné du blog Painrisien, émet quelques doutes sur le fonctionnement de ce concours : « L’essence même de ce prix est de sanctionner la capacité d’un artisan à réaliser un produit de qualité un jour J, ce qui sous-entend qu’il s’y sera souvent préparé et que la baguette qu’il amènera ne correspondra pas à celle proposée au quotidien dans sa boutique. Or, la régularité est sans doute la chose la plus difficile à obtenir et maintenir en boulangerie artisanale. Il faudrait modifier profondément son fonctionnement et juger des produits issus de la production vendue en boutique ».
“Il y a des boulangers qui ne jouent pas le jeu”
De plus, si les intentions de la Mairie de Paris semblent tout à fait désintéressées, il est difficile d'en dire autant de tous les acteurs de ce concours, comme le regrette d'ailleurs Rémi : « certaines personnes qui participent à l’événement ne semblent pas oeuvrer dans un état d’esprit positif, ce qui a parfois des conséquences regrettables. Il y a des boulangers qui ne jouent pas le jeu et envoient des produits qui ne correspondent pas à ce qu'ils proposent au quotidien, parfois en collaboration avec leur meunier... cela fausse complètement les résultats et décrédibilise le concours ». Enfin, certains boulangers de la capitale produisent d'excellentes baguettes et ne sont pas à la recherche d'une notoriété supplémentaire. Du coup, ils n'ont jamais eu la volonté de s'inscrire à ce concours.
Quoi qu'il en soit, le lauréat remporte un chèque de 4 000 euros et fournira le palais de l'Elysée pendant une année. Une récompense essentiellement honorifique, comme le confirme Anis Bouabsa, meilleur ouvrier de France et vainqueur de l'année 2008, « Au final, on livre une vingtaine de petits pains ronds et des mini viennoiseries pour la table du président et une trentaine de baguettes pour le personnel qui travaille à l'Elysée ». Par contre, la boutique gagnante bénéficie d'un véritable afflux d'une nouvelle clientèle qui veut absolument avoir à sa table LA meilleure baguette de Paris. « Les premiers mois, nous avons été jusqu'à tripler notre production pour répondre à la demande, précise Anis Bouabsa, ce qui n'a pas été sans poser de sérieux problèmes de logistique car nous n'étions pas préparés à de telles augmentations de production. Ensuite, les quantités sont revenues à celle d'une activité quasi normale. Il en reste un souvenir unique pour le restant de nos jours ».
Le prix de la meilleure baguette de Paris a été décerné ce jeudi soir à la boulangerie La Parisienne. La boutique dirigée par les deux associés Michael Reydelet et Florian Charles se situe au 48 rue Madame, dans le 6e arrondissement de la capitale.
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