Les banques françaises demeurent dans les paradis fiscaux

Le reporting public pays par pays imposé aux grandes banques françaises montre que ces dernières réalisent  plus d’un tiers de leurs bénéfices dans des pays à la fiscalité avantageuse, selon une analyse  de plusieurs ONG.

Depuis 2013, les grandes banques françaises sont tenues de publier le détail de leur activité pays par pays. Des données officielles qui révèlent un recours encore massif aux paradis fiscaux de BNP Paribas, groupe BPCE, Société Générale, Crédit Agricole, Crédit Mutuel-CIC.

Introduit par la loi bancaire de 2013 en France, le reporting public pour les grandes banques en France a été rendu obligatoire au niveau européen dans la foulée.

Ce reporting prévoit la publication d’un certain nombre de données, telles que le nom des implantations et la nature des activités, le chiffre d’affaires, les effectifs, les bénéfices ou pertes avant impôt, le montant des impôts payés et les subventions publiques perçues.

Selon une analyse de ces données réalisée par les ONG CCFD-Terre Solidaire, Oxfam France et Secours Catholique-Caritas France sur l’année 2014, première année de publication complète, les cinq plus grandes banques françaises réalisent toujours plus d’un tiers de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, soit 5 milliards d’euros.

>>Lire : La France refuse d’avancer sans l’UE sur le reporting pays par pays

Pourtant,  ces territoires à la fiscalité avantageuse  ne représentent « qu’un quart de leurs activités, qu’un cinquième de leurs impôts et seulement un sixième de leurs employés », souligne le rapport.

Un décalage pointé du doigt par les ONG. Cette « déconnexion entre les bénéfices déclarés et l’activité économique réelle peut indiquer l’utilisation abusive des paradis fiscaux, pour contourner l’impôt ou certaines obligations réglementaires », explique le rapport.

16 filiales, 0 salariés

Autre exemple cité par le rapport, celui des Iles Caïmans où les cinq banques françaises possèdent en tout 16 filiales, sans un seul salarié, mais réalisent 45 millions d’euros de bénéfices y sont déclarés.

« On voit derrière les résultats de cette étude que l’ère des paradis fiscaux est malheureusement loin d’être révolue. Ils restent au cœur de la stratégie internationale des banques françaises. Comment expliquer les résultats si singuliers enregistrés dans les paradis fiscaux autrement que par les facilités fiscales et réglementaires qu’offrent ces pays ?  », explique Manon Aubry, responsable de plaidoyer Justice fiscale et Inégalités à Oxfam France.

Taux d’imposition

En comparant les profits entre différentes filiales, les ONG soulignent un décalage certain entre le taux d’impôt payé par les banques en France et dans les paradis fiscaux. En moyenne, les banques françaises paient deux fois moins d’impôts dans les paradis fiscaux.

Selon les données recueillies, la destination privilégiée des établissements étudiés parmi les pays à la fiscalité avantageuse est le Luxembourg, où ils ont enregistré plus d’1,7 milliard d’euros de bénéfices. Suivent en Europe, la Belgique (1,66 milliard), l’Irlande (272 millions), et les Pays-Bas (189 millions), et en Asie Hong-Kong (436 millions) et Singapour (346 millions).

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Liste des paradis fiscaux

La liste des paradis fiscaux sur laquelle les ONG ont travaillé comprend des paradis fiscaux, mais aussi des pays à fiscalité avantageuse.

Dressée par les organisations de la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires, la liste s’appuie sur une définition large comprenant toute «  juridiction ou un territoire qui a intentionnellement adopté des régimes fiscaux et légaux permettant aux personnes physiques et morales non-résidentes de minimiser les impôts dont elles devraient s’acquitter là où elles ont leur résidence fiscale ».

La définition d’un paradis fiscal n’est pas homogène selon les pays. En France, la liste des territoires non-cooprétratif s’est réduite à peau de chagrin : 18 pays et territoires y  figuraient en 2011, contre 6 en 2015. Au niveau européen, 30 juridictions sont considérées comme ayant une fiscalité avantageuse, et aucune au niveau de l’OCDE.

La définition française d’un paradis fiscal exclut de fait les États ou territoires membres de l’UE, pourtant nombreux à avoir des dispositions fiscales très avantageuses pour les grandes entreprises. L’inscription sur cette liste ne relève pas non plus de l’application d’avantages fiscaux excessifs,  mais de la non-coopération avec la France en matière d’échange de renseignement.

Ainsi, en 2014 la France avait par exemple sorti l’île de Jersey de sa liste noire en raison de l’amélioration de la coopération avec les services français. Pourtant, l’île anglo-normande applique toujours un taux d’imposition de 0%.

>>Lire : La France veut sortir Jersey et les Bermudes de sa liste noire

Ce flou sur la définition d’un paradis fiscal a entrainé des réactions des banques mentionnées dans le rapport, ainsi que de Fédération bancaire française (FBF).  « La définition des paradis fiscaux retenue par les ONG ne s’appuie sur aucune référence officielle », a estimé une porte-parole de FBF, citée par l’AFP.

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