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Brésil : le double avertissement d’Edward Snowden

La conversation entre Dilma Rousseff et Lula da Silva, qui a déclenché le scandale politique au Brésil, n’était visiblement pas protégée.

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Publié le 18 mars 2016 à 14h02, modifié le 18 mars 2016 à 14h42

Temps de Lecture 3 min.

« L’idée que [les services de renseignement et la justice] deviennent aveugles est un conte de fées. Trois ans après les révélations sur la surveillance de Dilma Rousseff, elle continue de passer des appels non chiffrés. » Dans un bref message publié ce 17 mars, le lanceur d’alerte Edward Snowden, qui avait révélé l’existence du système de surveillance de masse de la NSA américaine et de ses alliés, a envoyé un double avertissement, à la fois au gouvernement brésilien et au FBI américain.

Le gouvernement brésilien est secoué par un vaste scandale de corruption, qui a touché la présidente Roussef après la divulgation d’une récente écoute téléphonique menée par la police fédérale entre Dilma Rousseff et son prédécesseur, Lula da Silva. On y entend Mme Rousseff prévenir son prédécesseur, pressenti pour entrer au gouvernement, qu’elle lui fera parvenir son « décret officiel de nomination »  afin qu’il puisse « s’en servir en cas de besoin ». Et ce, alors que M. da Silva est soupçonné dans une vaste affaire de corruption.

L’écoute a été menée par la police brésilienne, et non par la NSA américaine, mais pour M. Snowden, il est très surprenant que la présidente brésilienne n’ait pas utilisé une ligne téléphonique chiffrée – qui n’aurait pas pu être mise sur écoute. Le Brésil, proche partenaire commercial des Etats-Unis, a en effet été l’une des cibles privilégiées de la surveillance américaine, et des documents publiés l’an dernier par WikiLeaks montrent que Mme Rousseff et son gouvernement faisaient partie des cibles prioritaires de la NSA.

Il est donc étonnant, juge Edward Snowden, que la présidente et son prédécesseur échangent sur des lignes téléphoniques non sécurisées.

Manifestation à Brasília, le 17 mars.

Le message de Snowden pourrait aussi se lire comme une pique au Brésil, qui s’est montré ces derniers temps parmi les plus hostiles aux communications sécurisées. En février, le directeur de Facebook pour l’Amérique latine a ainsi été arrêté à son arrivée sur le territoire brésilien. Le motif ? Un juge avait ordonné à WhatsApp, la populaire application de messagerie propriété de Facebook, de transmettre aux enquêteurs des messages échangés entre des trafiquants de drogue présumés. Or, WhatsApp ne conserve pas les messages qu’il transmet, et qui sont par ailleurs protégés. Face à ce qu’il a interprété comme un refus de coopérer, le juge a ordonné l’incarcération du directeur de Facebook, avant de le libérer vingt-quatre heures plus tard. La conjonction des deux affaires donne l’impression que les communications de la présidente du pays sont moins bien protégées que les échanges quotidiens des trafiquants de drogue…

Le FBI en ligne de mire

Plus généralement, M. Snowden prend prétexte de l’affaire Lula-Rousseff pour réaffirmer sa position dans le débat du « Going Dark », c’est-à-dire sur le danger, réel ou supposé, pour les services de renseignement à travers le monde, de perdre toute visibilité – « devenir aveugle » – sur les communications, du fait des systèmes sécurisés qui se généralisent. C’est l’un des principaux arguments avancés par le FBI dans son bras de fer juridique avec Apple. Les enquêteurs américains tentent d’imposer à Apple de lui construire un outil pour déchiffrer le contenu d’un iPhone appartenant à l’un des terroristes de l’attentat de San Bernardino ; ce qu’Apple refuse, affirmant que cela aboutirait à affaiblir la sécurité de tous ses utilisateurs – les deux parties doivent s’affronter au tribunal la semaine prochaine.

Dans les argumentaires du FBI, cette peur de « devenir aveugle » revient de façon récurrente. Elle vise l’ensemble des innovations techniques mises en place par Apple, mais aussi Facebook ou Google, pour mieux chiffrer les communications et données de leurs utilisateurs.

Mais pour le patron d’Apple, Tim Cook, qui a donné une longue interview à Time sur le sujet, jeudi 17 mars, dire que les services de police et de renseignement deviennent aveugles, « c’est n’importe quoi ». « Personne ne devient aveugle. Certes, si vous m’envoyez un message chiffré, il est vrai que [le FBI] ne peut pas accéder à son contenu sans ma coopération ou celle de l’expéditeur, sauf s’il est aussi stocké en ligne (…) Mais avec un mandat, il est facile de savoir qui vous appelez, à quelle heure, pendant combien de temps, d’avoir accès à des données de géolocalisation… Les enquêteurs ont accès à énormément de données. » Et parfois, aussi, au contenu des conversations, y compris des chefs d’Etat.

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