Sept morts en onze jours. En mars 2012, celui qui n'était que "le tueur au scooter" d'un premier fait-divers en 2011 est vite devenu l'ennemi public numéro un qui commet des attentats au nom du djihad, avant d'être abattu: Mohamed Merah. Ses crimes, en pleine campagne présidentielle, avaient plongé dans la stupeur un pays où la menace djihadiste s'est ensuite ancrée avec les attaques de 2015.
11 mars: meurtre d'un militaire sur un parking
Le sergent-chef Imad Ibn-Ziaten, âgé de 30 ans, est abattu d'une balle dans la tête sur un parking désert de Toulouse. Affecté à Paris, le maréchal des logis-chef était venu vendre sa moto à un acheteur ayant répondu à son annonce parue sur le site Le Bon Coin. "Je suis militaire", a-t-il écrit sous le texte présentant sa Suzuki 650 cm3, sans penser que cette précision signerait son arrêt de mort. Le tueur, juché sur son puissant scooter et équipé d'une caméra GoPro fixée sur la poitrine, fait feu avec son Colt 45 sur le parachutiste après avoir échangé quelques mots.
La mort du soldat, d'une balle dans la tête, passe pour l'instant comme un fait-divers local: les enquêteurs évoquent même un règlement de compte ou un différend familial, sans que soient évoquées la piste islamiste.
15 mars: deux "paras" tués avec la même arme
A moins de 50 km de Toulouse, trois "bérets rouges" en treillis retirent de l'argent au distributeur à deux pas du 17e régiment du génie parachutiste, à Montauban. C'est là que surgit un homme sur son scooter, Colt 45 tenu à deux mains, visage dissimulé par un casque intégral, à nouveau équipé d'une caméra miniature. Il fait feu sur ces hommes en criant "Allah Akbar". Le caporal Abel Chennouf, 25 ans, et le 1ère classe Mohamed Legouad, 23 ans, sont tués. Le 1ère classe Loïc Liber, 27 ans, est grièvement blessé et est aujourd'hui tétraplégique.
Les enquêteurs se mettent alors à traquer un "tueur de paras". La police judiciaire parvient à remonter jusqu'à la famille franco-algérienne Merah, grâce à la petite annonce et le critère "militaire".
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Il se trouve que deux des fils Merah sont déjà fichés: Abdelkader comme islamiste fondamentaliste et Mohamed comme petit caïd de banlieue.
19 mars: tuerie à l'école juive Ozar Hatorah
La sonnerie retentit peu avant 8h dans ce groupe scolaire confessionnel, alors que Mohamed Merah gare son scooter de l'autre côté de la rue Jules-Dalou, dans ce quartier toulousain paisible. Casqué, il ouvre le feu avec son arme automatique Uzi 9 mm qui s'enraye, afin de saisir son Colt 45.
Sur le trottoir, un professeur en religion, Jonathan Sandler, 30 ans, et ses fils Gabriel, 3 ans, et Arié, 5 ans, sont abattus. Le tueur entre alors dans la cour, saisit par les cheveux une autre enfant, et l'exécute: Myriam Monsonégo, 8 ans, la fille du directeur. Un adolescent est également grièvement blessé par les tirs.
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Cette fois, le parquet antiterroriste est saisi et le niveau Ecarlate du plan Vigipirate est déclenché pour la première fois de son histoire.
22 mars: Merah est tué après 32h de siège
Surveillé et placé sur écoute dès le 20 mars, Mohamed Merah est repéré dans son appartement du quartier résidentiel de la Côte-Pavée, avant d'être cerné par les policiers du Raid le 21 mars à 3h. Quand ces derniers tentent de défoncer la porte, le djihadiste, préparé, ouvre le feu. S'en suit un siège qui durera 32 heures, suivi par les médias du monde entier.
Retranché dans son bac à douche, il téléphone à France 24, revendique l'ensemble des "incidents" de Toulouse et de Montauban. A la police, il se décrit en "combattant d'Al Qaïda" projetant d'autres tueries et indique même où se trouve son scooter.
Le 22 mars, l'assaut final est donné vers 11h30. C'est alors que l'assassin surgit, vêtu d'un gilet pare-balles de la police recouvert d'une djellaba, et tire avec pistolet. Il sera touché d'une vingtaine de balles avant de mourir sur le balcon de son appartement, avec dans son jean une clé USB contenant les images de sa caméra.
Quatre ans plus tard
Son frère Abdelkader a été renvoyé, le 16 mars, devant la cour d'assises spéciales, où il sera accusé de complicité de ces assassinats terroristes de Toulouse et Montauban. A ses côtes dans le box, Fettah Malki, un délinquant toulousain soupçonné d'avoir fourni l'Uzi et le pare-balles au tueur. Un troisième homme, Mohamed Mounir Meskine, bénéficie d'un non-lieu après des soupçons sur sa participation, avec les frères Merah, au vol du scooter utilisé.
Mohamed Merah a frappé avant la vague de départs et surtout de retours de Syrie de jeunes Français candidats au djihad. Il invoquait plutôt l'Afghanistan, les Territoires palestiniens, et se réclamait d'Al-Qaïda, qui a depuis été supplanté dans l'imaginaire djihadiste par l'organisation terroriste Etat islamique, ou Daech.
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L'enquête montrera qu'il a voyagé au Pakistan et en Afghanistan pour notamment rencontrer un recruteur d'Al-Qaïda pour l'Europe, depuis abattu par un drone.
La mère du premier soldat tué, Latifa Inbn Ziaten, a reçu la Légion d'honneur pour son engagement dans de nombreuses actions auprès des jeunes visant à lutter contre la radicalisation, comme "l'Association Imad Ibn Ziaten pour la jeunesse et la paix".
Quant au tueur, il est enterré sous haute surveillance le 29 mars 2012 dans le cimetière de Cornebarrieu près de Toulouse, sans stèle ni fleurs.
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