En Arabie saoudite, les femmes peuvent piloter un avion mais pas conduire une voiture

Publié le Jeudi 17 Mars 2016
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
En Arabie saoudite, un équipage féminin fait atterrir un avion... mais n'a pas le droit de conduire une voiture
En Arabie saoudite, un équipage féminin fait atterrir un avion... mais n'a pas le droit de conduire une voiture
Pour fêter l'anniversaire de l'indépendance de son pays, la compagnie aérienne Royal Brunei a fait atterrir un équipage 100% féminin en Arabie saoudite. Mais à leur sortie de l'aéroport, les pilotes n'ont pas été autorisées à conduire.
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Pour le Brunei, petit État voisin de la Malaisie, le 23 février dernier était à marquer d'une pierre blanche. Pour célébrer la Journée nationale du Brunei, qui célèbre l'indépendance du Sultanat, la compagnie aérienne Royal Brunei a confié les commandes du vol BI081 à un équipage exclusivement composé de femmes. Une première dans ce pays de confession musulmane, qui figure parmi les plus conservateurs d'Asie.

Le 23 février, donc, la capitaine Sharifah Czarena Surainy, et ses copilotes Nadiah Pg Khashiem et Sariana Nordin ont pris à Brunei les commandes du Boeing 787 Dreamliner à destination de Djeddah, en Arabie saoudite.
Le vol a été qualifié de "succès" par Sharifah Czarena Surainy et Royal Brunei Airlines. Et c'est la vérité, même si un "incident" est venu troubler cette avancée majeure pour l'égalité des droits entre femmes et hommes brunéiens. En atterrissant à Dheddah, les pilotes se sont vues interdire de conduire pour sortir de l'aéroport car ce sont des femmes.

Une interdiction ahurissante

Seul pays à interdire aux femmes de conduire, l'Arabie saoudite doit faire face à ses propres contradictions. Car si dans les faits, aucune loi n'interdit aux Saoudiennes de prendre le volant, le poids de la tradition wahhabite et l'influence d'un clergé particulièrement conservateur la rend pourtant impossible. Aucune femme n'est, par exemple, autorisée à passer le permis et, en novembre 2013, le grand mufti du pays, Abdul Aziz ibn Abdillah Ali ash-Shaykh avait argué que si les Saoudiennes sont interdites de conduite, c'est pour "protéger la société du mal". Cheikh Saleh al Luhaidan, un autre religieux conservateur avait, quant à lui, affirmé que les femmes qui contreviendraient aux règles risquaient d'avoir des enfants anormaux en raison de la "pression sur les ovaires" créée par la conduite.

Des excuses absurdes que les Saoudiennes sont bien décidées à combattre. Depuis 2011, des militantes du mouvement Women2Drive se mobilisent chaque année pour avoir enfin le droit de conduire une voiture. Risquant à tout moment d'être emprisonnées, certaines femmes ont même bravé l'interdit en se filmant en train de conduire, puis en postant la vidéo sur les réseaux sociaux.

Sharifah Czarena Surainy, un modèle pour les femmes du Brunei

Si ce vol historique a eu pour bénéfice de mettre en lumière le sort des femmes saoudiennes, il constitue également un tournant pour Royal Brunei Airlines et sa pilote, Sharifah Czarena Surainy.

En 2012, cette dernière était déjà devenue la toute première femme pilote de toute l'Asie du Sud-Est. Interviewée à l'époque par le Brunei Times , elle avait déclaré : "Le métier de pilote est souvent perçu comme un boulot conçu pour le mâle dominant. En tant que femme, que femme brunéienne, c'est un véritable exploit. Cela montre à la jeune génération, aux filles tout particulièrement, que quels que soient leurs rêves, elles peuvent les réaliser."
D'après The Independent , la compagnie aérienne Royal Brunei a déclaré vouloir accueillir davantage de femmes parmi ses équipages et ingénieurs. Elle a d'ailleurs mis en place un programme d'ingénierie accueillant aussi bien des femmes que des hommes.