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Santé

Le bruit de l'hôpital perturbe le développement cérébral des bébés prématurés

Les services de néonatalogie sont trop bruyants pour les prématurés qui voient leur développement sensoriel affecté, révèle une étude.
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Bébés prématurés
Service de néonatalogie
© Lause Lew/SUPERSTOCK/SIPA

"Les bébés prématurés sont vulnérables et fragiles parce que leurs organes sont immatures et qu’il faut les aider à se développer dans un milieu complètement diffèrent du milieu utérin", résumait le Pr Charlotte Casper de l’unité de néonatologie de l’Hôpital des enfants du CHU de Toulouse dans un documentaire poignant diffusé sur France 5. Mais les services de néonatalogie dans lesquels ces nouveau-nés évoluent sont-ils adaptés à leur bon développement ? Non car ils sont trop bruyants, affirme une équipe de chercheurs du CNRS. "Le bruit perturbe les compétences tactiles des bébés prématurés nés entre 28 et 33 semaines d'aménorrhée (soit environ 2 mois avant le terme)", résume-t-elle dans une étude publiée dans Scientific Reports. C’est la première fois qu'une étude met en évidence l'effet d’un stimulus négatif sur le fonctionnement de la sensorialité du prématuré.

Des décibels au-delà des normes recommandées

Pompe pour l'alimentation, cardioscope, respirateur... Le nouveau-né prématuré est exposé à des bruits désagréables au moins 8 fois par jour pendant plusieurs semaines à plusieurs mois (selon son degré de prématurité), sans compter les multiples autres alarmes qui constituent l’environnement sonore du bébé en néonatalogie. "Beaucoup de services de néonatalogie ont des niveaux sonores bien supérieurs aux normes recommandées par l’Académie Américaine de Pédiatrie, soit 45 décibels", affirme dans un communiqué Édouard Gentaz, principal auteur de cette nouvelle étude. L'équivalent du bruit moyen enregistré dans une habitation (voir infographie ci-dessous). Des études ont d'ailleurs mis en évidence le fait que le bruit perturbe le sommeil du prématuré, ainsi que ses constantes physiologiques (fréquences cardiaque, respiratoire, etc.) et ses capacités d'autorégulation, qui permettent au bébé de se rassurer et se calmer en cas de stress.

© Damien Hypolite / Sciences et Avenir

Quelles conséquences à long terme ?

Cette fois, les chercheurs se sont intéressés à l'impact du bruit des services de néonatalité sur les capacités tactiles de bébés prématurés entre 29 et 35 semaines d'aménorrhée. "À cet âge, ils sont capables de reconnaître et de discriminer deux objets de formes différentes (prisme et cylindre) avec une main (droite ou gauche). 63 nouveau-nés ont été répartis aléatoirement dans une condition "silence" ou une condition "bruit" (l’alarme de la pompe de nutrition entérale, visant à apporter à les éléments nutritifs indispensables aux prématurés par voie digestive, sonnait pendant l’expérience). Pour chaque condition, l’expérience se déroulait en 2 phases : la phase d’habituation d'un objet (prisme ou cylindre) puis la phase de test (réaction ou non à la nouveauté). Cette méthode s'appuie sur un principe simple et universel qui est le désintérêt progressif que nous manifestons pour un objet familier et le regain d'attention que nous avons pour un objet nouveau (voir encadré ci-dessous).

TEST. Lors de la phase d'habituation, l'expérimentateur met un petit objet (prisme pour la moitié des bébés et cylindre pour l'autre) dans une main du bébé. Dès que le nourrisson lâche l'objet, l'expérimentateur le lui remet dans la main et mesure ainsi à chaque essai le temps de tenue de l'objet. Les chercheurs observent que celui-ci diminue aux cours des essais, témoignant que le bébé s'est "habitué" à la forme de l'objet. Dans une seconde phase de test, une fois le bébé habitué à un objet, les chercheurs présentent à la moitié d'entre eux un objet avec une nouvelle forme, et à l'autre moitié l'objet familier (le même qu'en phase d'habituation). Le temps de tenue est habituellement plus élevé pour l'objet nouveau (réaction à la nouveauté) que pour l'objet familier. Ceci prouve que la baisse des temps de tenue (observée durant la première phase) n'est pas due à une fatigue des bébés sinon ils ne s'intéresseraient pas plus à quelque chose de nouveau.

Selon les résultats de cette étude, les bébés soumis aux alarmes des pompes d’alimentation entérale voient leur capacité tactile perturbée : ils mettaient plus de temps pour s’habituer à l’objet et pour faire la différence entre les deux formes que les nourrissons placés au calme. "La période néonatale est une période critique pour la genèse des circuits neuronaux et l’expérience sensorielle précoce joue un rôle majeur dans le développement cérébral, commente Édouard Gentaz. Si le bruit perturbe les capacités tactiles des prématurés, l'on peut se demander quel est l’impact à long terme d’une telle stimulation auditive sur leur développement neurologique". Pour ce chercheur, il est urgent de rendre les équipements des services de néonatalogie moins bruyants, ou de les placer plus loin des nouveau-nés...

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