Tunisie-Algérie-Égypte : comment éviter la contagion libyenne ?

Réunies à Tunis, l'Algérie et la Tunisie veulent absolument trouver une solution diplomatique à la crise libyenne et éviter une intervention militaire.

Par notre correspondant à Tunis,

Un manifestant brandit une photo du général Haftar pour s'opposer au retour du gouvernement d'union nationale supporté par les Nations unies, à Benghazi le 18 mars 2016. 
Un manifestant brandit une photo du général Haftar pour s'opposer au retour du gouvernement d'union nationale supporté par les Nations unies, à Benghazi le 18 mars 2016.  © AFP / ABDULLAH DOMA

Temps de lecture : 4 min

Casse-tête à tous les niveaux. La Libye est aujourd'hui l'unique sujet de la réunion de ses pays frontaliers. Objectif  affiché : permettre au gouvernement d'union nationale de Fayez el-Sarraj d'être adoubé par le Parlement de Tobrouk, de s'installer à Tripoli et de se mettre au travail. Voilà pour l'intitulé de l'équation que devront résoudre l'Algérie, la Tunisie, le Tchad, le Niger, le Soudan et l'Égypte, ainsi que des pays occidentaux présents dans l'ombre. L'Union européenne, l'ONU, via son haut représentant Martin Kobler, et la Ligue arabe sont également de la réunion. Lundi, les experts ont œuvré, débroussaillé les dossiers pour laisser la place ce mardi aux ministres des Affaires étrangères. Aux politiques de décider, de favoriser une issue diplomatique. Plusieurs diplos, pour qui la guerre est toujours un échec, estiment depuis plusieurs mois qu'une « intervention s'impose ».

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Intense activité terroriste dans la région

Pour sa part, le tandem algéro-tunisien est sur la même longueur d'onde : éviter une intervention militaire qui risquerait d'éparpiller la situation libyenne dans toute la région déjà sérieusement malmenée par le terrorisme. En 72 heures, un site gazier algérien, celui de Krechba (In Salah, 1 300 km au sud d'Alger), a été la cible de tirs de roquettes entraînant le retrait progressif du personnel des entreprises BP et Statoil. Aqmi a revendiqué et demande aux musulmans de « ne plus fréquenter les étrangers ». La crainte d'un In Amenas bis (40 morts en janvier 2013) explique cette décision. En Tunisie, on a recensé trois incidents durant le week-end. Vendredi soir, c'est le poste frontalier de la délégation de Sakiet Sidi Youssef, dans le gouvernorat du Kef, qui a subi une tentative d'attaque. Samedi et dimanche, le mont Djebel Semmama a connu des accrochages entre militaires et hommes armés. Puis, dimanche, les forces de sécurité ont mené un nouvel assaut à proximité de Ben Guerdane, à Sayah. Onze blessés, un terroriste tué. Une activité terroriste d'une ampleur inouïe pour la Tunisie. Du nord-ouest au sud-est en passant par le centre, des groupes ont agi, frappé. Au Sinaï, treize policiers ont été tués dimanche lors de l'attaque d'un poste de contrôle par le groupe État islamique. Lundi soir, deux assaillants tentaient de s'en prendre à la présence militaire de l'UE au cœur de Bamako, dans l'hôtel Nord Sud. Car le chaos libyen concerne à la fois l'Europe et l'Afrique.

Le général Haftar, une part du problème

Cette huitième rencontre se déroule à l'initiative tunisienne. Elle se déroule alors que le gouvernement d'union nationale libyen réside à Tunis faute de pouvoir se rendre à Tripoli, fief de Fajr Libya, une marque générique qui regroupe politiques, milices, brigades « révolutionnaires ». À Tobrouk, pouvoir reconnu par la communauté internationale, on a traîné les pieds pour voter ce gouvernement censé réunir toutes les composantes libyennes. Faute de quorum, le vote n'a toujours pas pu être effectué. Le général Haftar tente de faire figure de recours militaire face à l'État islamique qui prospère en Libye. Le maréchal al-Sissi estime qu'Haftar est la solution, qu'il faut fournir à l'armée nationale libyenne l'armement nécessaire. Ce que l'Égypte ne se prive pas de faire depuis un certain temps. Haftar est un ancien homme-clé de Kadhafi tombé en disgrâce, puis exilé aux États-Unis pendant près de deux décennies. Il a effectué son retour après la révolution. L'homme n'a pas la confiance de la communauté internationale. « Ses résultats contre l'État islamique ne sont guère probants », analyse un expert militaire. Haftar, afin de ne pas perdre son influence en Libye, a fait pression pour que Tobrouk tarde à voter le gouvernement d'union nationale. Ce dernier, s'il parvient à s'installer à Tripoli, pourrait saisir le Conseil de sécurité de l'ONU pour demander une action militaire internationale contre les nombreux groupes djihadistes installés dans l'ex-dictature de Kadhafi, ce que Washington souhaite ardemment. En attendant un habillage légal, on cible en fonction de la qualité du renseignement. Un camp d'entraînement de Daech en lisière de Sabratha, à cent kilomètres de la Tunisie : 40 morts à la suite du raid mené en février par les Américains.

Les métastases djihadistes

Alors que la réunion se préparait, l'aéroport de Zaventem et la station de métro de Maelbeek à Bruxelles subissaient deux attaques-suicides. Une quarantaine de morts, une centaine de blessés (bilan provisoire). Un acte qui n'a pas encore été revendiqué. Mais les pays qui se trouvent autour de la table aujourd'hui à Tunis se doivent d'agir. Pour leur propre sécurité. Les groupes djihadistes attirent à eux des ressortissants tunisiens (le contingent étranger le plus important), marocains, algériens, égyptiens… À défaut de se poser en « rempart de la sécurité de l'Europe », les pays voisins de la Libye doivent bousculer ce statu quo qui mine leur sécurité intérieure, ronge leurs économies nationales. Sans parler du Sahel, de l'Afrique de l'Ouest. Pendant les palabres, les métastases djihadistes se répandent dans toute la région. La huitième réunion ministérielle accouchera-t-elle d'une neuvième ? D'une dixième ? Ou d'un résultat probant ?

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Commentaires (4)

  • 45ème parallèle

    Et l'Europe ne le fera pas... Relis le post de Tony... Son argument majeur est valable pour l'Europe aussi...

  • 45ème parallèle

    Pour avoir à tout prix une solution diplomatique et éviter la confrontation militaire (c'est-à-dire, en fait, en claquant des genoux... ), on est mort... Des exemples ? Munich... Il y en a plein d'autres... Des encore moins glorieux, et moins spectaculaires...

  • daniel94

    Il va falloir aller sur le terrain libyen comme cela a été fait au Mali, avec des frontieres bien cadenassées sur le pourtour pour "terminer" le travail! Si l'Europe, et pas seulement la France, ne s'y met pas la situation du terrorisme va encore s'aggraver.