Des ONG quittent la Grèce pour dénoncer l’accord UE-Turquie

Certaines ONG qui aident le gouvernement grec à gérer la crise des réfugiés ont décidé de suspendre leurs opérations. Un article d’EURACTIV Grèce.

C’est un autre coup porté à l’accord UE-Turquie : après la condamnation de l’agence de l’ONU pour les réfugiés, l’HCR, qui qualifie les hotspots de prisons, c’est au tour des ONG de tourner le dos à Bruxelles.

Un porte-parole d’UNICEF a aussi exprimé les inquiétudes de l’organisation vis-à-vis de l’accord et de son impact sur les enfants. « Nous ne voyons aucune référence aux enfants, alors que ces derniers représentent 40 % des personnes coincées en Grèce à l’heure actuelle », fait remarquer le porte-parole, qui précise qu’ils sont 19 000 sur le territoire grec, dont un dixième voyage non-accompagné.

Un accord inhumain

Les porte-paroles de MSF ont annoncé que l’organisation quittait également un des hotspots, à Lesbos « parce que l’accord UE-Turquie convertit les centres d’accueil en centres d’expulsion. En continuant [nos opérations dans ces centres], nous participerions à un système que nous jugeons injuste et inhumain » précise un communiqué de l’organisation, qui continue toutefois ses activités en dehors du centre de rétention.

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« L’accord proposé avec la Turquie montre une fois encore que les dirigeants européens ont complètement perdu de vue la réalité », estime pour sa part Aurélie Ponthieu, conseillère MSF sur les déplacements humanitaires.

« Si cet accord cynique est appliqué, pour chaque Syrien qui risque sa vie en tentant de traverser la Méditerranée, un autre Syrien aura la possibilité d’être accueilli dans un pays européen. Cette équation glaçante réduit les gens à de simples numéros et les prive à la fois d’un traitement humain et du droit de chercher une vie meilleure », dénonce-t-elle, rappelant que ces numéros sont en réalité des familles, des hommes, des femmes, des enfants.

« Environ 88 % de gens qui arrivent de la Turquie sont des réfugiés et plus de la moitié d’entre eux sont des femmes et des enfants. Ils devraient être traités de façon humaine, dans le respect de leurs droits et de leur dignité », conclut Aurélie Ponthieu.

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Sécurité

À peu près au même moment, les ONG Médecins Sans Frontières et Médecins du Monde ont décidé de quitter la zone d’Idomeni, à la frontière gréco-macédonienne, pour des raisons de sécurité.

Des réfugiés furieux de l’accord récemment passé entre les 28 et Ankara ont en effet empêché les ONG de distribuer de la nourriture, annonçant le début d’une grève de la faim.

« Nos équipes ont temporairement quitté le camp d’Idomeni mardi vers 14 heures pour des raisons de sécurité. Notre personnel reste toutefois dans la région, à Venzinadiko et Kilkis. Nous suivons l’évolution de la situation. Ce retrait n’est pas un ordre de la police, mais une mesure de protection pour nos équipes », a indiqué à EURACTIV Grèce Antonis Rigas, chef de l’équipe MSF d’Idomeni.

Une autre ONG, Praxis, qui distribue de la nourriture, a également décidé de quitter les lieux.

Qui distribuera la nourriture ?

Après le retrait des ONG, la question de la distribution de nourriture reste floue. D’un côté, Nikos Toskas, ministre adjoint à la Protection civile, a indiqué que l’armée se chargerait de la distribution de nourriture aux réfugiés. Giorgos Kyritsis, coordinateur de la gestion des réfugiés, a expliqué que les instructions nécessaires avaient été données le soir du 22 mars et que les militaires prépareraient la nourriture. Il n’a toutefois pas spécifié qui la distribuerait.

De l’autre, Panos Kammenos, ministre de la Défense, a déclaré que l’armée ne serait pas impliquée à Idomeni. « Les forces armées ne sont pas au service des réfugiés », a-t-il commenté.

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Contacté par EURACTIV, Giorgos Kyritsis a expliqué que les cas d’Idomeni et de Lesbos étaient distincts. À Idomeni, le retrait des ONG a une origine sécuritaire. « Il s’agit clairement d’un problème pratique, qui sera résolu en renforçant la sécurité sur le site », précise-t-il.

À Lesbos, où les ONG protestent contre l’accord UE-Turquie,  la situation est moins claire. « Certaines parties de l’accord nous posent également problème […] nous considérons les ONG comme des partenaires qui viennent en aide aux réfugiés et aux migrants avec nous », souligne-t-il. Des initiatives auraient vu le jour en vue d’une solution rapide.

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