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Edito

Faut-il débrancher les «experts»?

Avec les attentats de Bruxelles a resurgi le ballet d'experts labellisés «Vu-à-la-télé», donnant leur avis sur tout et partout, de plateaux en micros. Conséquence : l’overdose gagne le spectateur, et la colère monte sur les réseaux sociaux.
par Johan Hufnagel
publié le 25 mars 2016 à 17h22

Mardi soir, le Finale de la grande série policière «Les Experts» a été déprogrammé par TF1. L’épisode commençait par un attentat suicide. Sur les autres chaînes, en revanche, il y avait un festival d’experts conviés à donner leurs avis sur les deux attentats qui avaient ensanglanté Bruxelles le matin même. Le bon goût avait conduit TF1 à suspendre la diffusion de la série américaine ; il aurait dû contaminer les autres chaînes.

L'overdose anti-experts gagne et la colère monte sur les réseaux sociaux. Buzzfeed et le journaliste de RFI David Thomson, particulièrement pointu dans la connaissance des milieux jihadistes, leur ont taillé un costume parfaitement ajusté jeudi. Libération, Slate et Le Monde avaient, il y a peu, distillé de mêmes doutes sur certains de ces «connaisseurs» de l'islam, du jihad, du terrorisme, des services secrets, et parfois tout ça en même temps (1).

On ne citera pas les noms de ces experts autoproclamés qui squattent les plateaux télés pour combler notre soif inextinguible de comprendre. On connaît d’ailleurs davantage leur visage que leur véritable CV. Que sait-on de leurs travaux ? Qui les finance ? Quelles expériences réelles et actuelles peuvent-ils mettre en avant pour justifier leurs invitations ? Rien. Peu importe : le banc-titre, avec la mention «Expert-vu-à-la-télé», suffit à leur confier une autorité et nous plonger dans une variante de l’expérience de Milgram. Ils passent à la télé, on les voit partout, ils doivent donc savoir. Qu’ils racontent n’importe quoi, se contredisent d’une heure à l’autre, se vantent de savoir ce que personne ne peut savoir passe encore.

Mais leur omniprésence peut finir par façonner l'opinion publique et influer sur la politique. Une variante du CSI Effect («l'incidence des Experts»), une théorie qui tend à montrer comment la série a réussi à influencer criminels et jurés aux Etats-Unis… Faut-il déprogrammer TOUS les Experts?

(1) Bien sûr, il existe des chercheurs, des universitaires, des journalistes qui sont très au fait de ces sujets. Mais généralement, leur niveau de connaissance et leur légitimité est inversement proportionnelle à la durée de leur présence sur les plateaux télés.

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