La nageuse syrienne Yusra Mardini en conférence de presse à Berlin, où elle s'est réfugiée, le 18 mars 2016

La nageuse syrienne Yusra Mardini en conférence de presse à Berlin, où elle s'est réfugiée, le 18 mars 2016

afp.com/ODD ANDERSEN

La jeune sportive de 18 ans, demandeuse d'asile à Berlin, est l'une des 43 athlètes présélectionnés par le Comité international olympique (CIO) pour constituer une équipe de réfugiés qui défilera derrière le drapeau à cinq anneaux à Rio.

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Au final, ils ne seront qu'entre 5 et 10 à s'envoler pour le Brésil. Alors, dans un agenda cadenassé par l'école et les entraînements, Yusra rêve de se qualifier pour la compétition.

"C'est au 200 m nage libre que j'ai le plus de chances", explique la jeune Syrienne, en jean slim et baskets griffées, lors d'une rencontre avec une centaine de journalistes du monde entier.

En réalité, Yusra a déjà raflé une médaille d'or à la fin de l'été 2015. Dans la catégorie héroïsme et endurance.

A l'époque, sur la côte turque en face de la Grèce, Yusra et sa soeur aînée, Sarah, 20 ans, font partie des centaines de milliers de Syriens qui trépignent d'impatience aux portes d'une Europe qu'ils rêvent terre d'exil.

Elles ont quitté Damas à la mi-août, le coeur meurtri d'abandonner leurs parents et leur petite soeur. "Notre maison avait été détruite, je ne pouvais plus m'entraîner depuis deux ans", raconte-t-elle dans un excellent anglais.

- Au bord du naufrage -

Elle embarque à bord d'un canot pneumatique, avec pour seule orientation les lueurs de l'île grecque de Lesbos. Le canot est conçu pour sept, ils sont vingt à s'y entasser, "dont trois seulement qui savent nager", raconte-t-elle.

Quand l'embarcation de fortune menace de couler corps et biens, Yusra et Sarah, également nageuse, plongent et remorquent le canot. "Au début, c'était horrible, mais on a pensé avec ma soeur qu'on aurait vraiment honte si on n'aidait pas les gens partis avec nous", se souvient-elle.

A l'aube, après des heures de nage, Yusra et Sarah touchent enfin terre. "Baba (papa en arabe), on a réussi! On est en Grèce!", hurlent-elles au téléphone à leur père, Ezzat, 45 ans, alors en Jordanie. "Ce fut l'attente la plus longue de ma vie", explique-t-il, alors qu'il a pu rejoindre ses filles, depuis, à Berlin.

La suite de ce périple homérique ressemble à celui de centaines de milliers de Syriens croisés en Allemagne. La route des Balkans, les entourloupes des passeurs. Et la fraîcheur de la jeunesse, quand Yusra lance aux peu engageants policiers hongrois: "On a failli mourir noyés, vous croyez que vous nous faites peur!".

Au terminus, Berlin lui offre un lit de camp dans une ancienne caserne de l'armée. L'interprète égyptien de ce foyer la met en contact avec le club de natation de Wasserfreunde Spandau 04 et son futur entraîneur, Sven Spannekrebs.

- Tokyo en ligne de mire -

C'est lui qui tient les chronos et tire la langue pour les selfies des soeurs Mardini postés sur Facebook. "Pour se qualifier pour les JO, elle doit faire un temps de 2 min 03 sec, son meilleur temps est de 2 min 11 sec".

Les chances pour Rio sont minces, mais plus grandes pour Tokyo en 2020, selon le père.

Yusra s'illumine comme une étoile quand elle songe aux Jeux, même si elle ne défile pas avec la délégation syrienne. "Peu importe le drapeau, les émotions sont les mêmes. Si j'entre dans le stade, je crois que je ne penserai qu'à une seule chose, l'eau".

Belle comme le jour, elle a des rêves rose bonbon ("Je veux devenir pilote"), des cheveux noirs qui n'en finissent pas d'être longs, des yeux de biche.

Un peu empêtrée, quand même, dans toutes ces sollicitations médiatiques. "Pourquoi me posez-vous la question pour la quatrième fois'", demande-t-elle à la télé britannique.

Yusra, entrée dans l'adolescence quand le régime de Bachar al-Assad entrait en guerre, veut rendre leur fierté aux réfugiés: "Je veux les inciter à vivre leur rêve".

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