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Critique

Le salafisme au temps des colonies

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Par Pierre de Gasquet

Publié le 25 mars 2016 à 01:01

Histoire«Soldats, du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent.» L'histoire de la colonisation française en terre d'islam démarre en 1798 lorsque Bonaparte met le pied en Egypte pour contrer les Anglais. Il se présente en libérateur du peuple égyptien face au joug ottoman et à l'aristocratie mamelouk. Fiasco stratégique et militaire, l'expédition n'en sera pas moins une «victoire politique» qui permettra au général Bonaparte de fonder le Consulat. De la campagne d'Egypte à la récente capture de Salah Abdeslam, à Molenbeek, il y a un fil rouge qui mériterait d'être démêlé. Il faut donc se replonger dans cette fascinante histoire de l'empire colonial français - «formidable laboratoire» durant près d'un siècle et demi -, pour mesurer l'ampleur de la montée du salafisme et du «tremblement de terre qui bouleverse l'islam contemporain».

ignorance et malentendu

«Si sommaire et brutale fût-elle», pour Pierre Vermeren, l'expédition d'Egypte laissera une trace et un héritage durable dans les rapports entre la France et le monde arabe. Il faudra attendre la relance de l'expansion coloniale en Tunisie et au Tonkin par Jules Ferry et Léon Gambetta pour que la France jette les bases de la politique d'assimilation culturelle. La franc-maçonnerie sera «aux avant-postes de la reprise de l'expansion coloniale des années 1880». L'essor du salafisme, une invention d'un fils de paysan égyptien, Mohammed Abdou, et d'un intellectuel d'origine chiite et perse, Jamal ed-Din Al Afghani, naît d'un profond malentendu, lié à la grande ignorance des pouvoirs coloniaux. Ces derniers ne perçoivent pas le potentiel révolutionnaire d'un réformisme assimilé à tort à la réforme protestante de Luther. Chargée par la Société des Nations (SDN) de conduire le Liban et la Syrie vers l'indépendance, la France cherche à diviser et communautariser la société syrienne pour conjurer le péril du nationalisme arabe. Nouvelle erreur. C'est un échec: «Le communautarisme ethno-religieux insufflé au Levant n'a pas brisé le nationalisme arabe, mais l'a plutôt retardé et réorienté.» Fondé sur une libre interprétation des écrits coraniques, le salafisme devient la matrice idéologique des nationalismes et «la force de frappe des combats anticoloniaux».

Déjà auteur du Choc des décolonisations, l'historien Pierre Vermeren ne va pas jusqu'à dire que la puissance coloniale aurait sciemment alimenté la «spirale du salafisme». Pour lui, l'Etat islamique n'est qu'un «petit épigone» laissé orphelin par l'effondrement général de l'empire millénaire de l'islam. Mais force est de constater que l'Europe et la France se sont «éloignées du fait religieux qu'elles comprennent de moins en moins». Au risque de céder à la tentation permanente de l'amnésie collective et de la «sainte ignorance».

P. de G.

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