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Boualem Sansal : « Nommez l’ennemi, nommez le mal, parlez haut et clair »

#Résister. S’il est justement un mot à bannir, c’est celui de « résister », estime l’écrivain algérien, après les attentats de Paris et de Bruxelles.

Publié le 24 mars 2016 à 11h11, modifié le 27 mars 2016 à 14h56 Temps de Lecture 2 min.

Si, aujourd’hui, il est un mot à bannir du langage, c’est le mot « résister ». Résister, c’est donner l’avantage à l’ennemi, lui offrir l’honneur de porter le dernier coup, c’est capituler et mourir.

Résister c’est quoi, quand l’ennemi est déjà dans la forteresse et dispose alentour de réserves fraîches qui ne demandent qu’à passer à l’action ? C’est quoi, quand on a si peur de lui qu’on l’appelle ami, qu’on lui trouve toutes les excuses, quand en vérité l’ennemi c’est nous-même ? Il ne faut quand même pas oublier le début de l’histoire  : cet ami qui égorge nos femmes et nos enfants et saccage nos demeures, nous l’avons accueilli, couvé, choyé et même, à tout dire, créé. Ben Laden était le fils de qui, le protégé de quelle compagnie ? Khomeiny habitait où, Bouteflika se soigne où et à l’œil, où Kadhafi a-t-il planté sa tente, etc., etc., etc., etc., etc. ? Ces hommes ne sont-ils pas, n’étaient-ils pas des ennemis de l’humanité, de peuples entiers à tout le moins ?

Résister c’est quoi, quand on travaille à faire taire toute contestation dans le pays et empêcher les citoyens de se mobiliser et de monter au front ? Priver un peuple du combat pour sa vie et son honneur, c’est le tuer et le déshonorer, ses enfants ne le lui pardonneront jamais. C’est un génocide. Ce combat, on le mène soi-même, il ne se délègue pas, ne se reporte pas, le sang du peuple doit couler héroïquement pour que les chants de gloire à venir soient de vrais chants.

Ce n’est pas tout. Contre qui et quoi veut-on résister ? Les Chinois, les Martiens, la fièvre jaune, la pollution ? Qui veut-on éliminer  : des lampistes, des poseurs de bombes occasionnels, la finance internationale, une religion, une organisation secrète, une secte, des émirs ?

Nommez l’ennemi, nommez le mal, parlez haut et clair, tout est là, le reste est détail, il relève de la technique.

Si les autorités manquent de mots, je peux leur prêter les miens  : l’islam radical, l’islam modéré comme son appoint, le salafisme, l’Arabie, le Qatar, les dictatures arabes malfaisantes.

Au stade où en est l’affaire, le seul mot valable est ­ « attaquer ».

Et là se posent deux questions cruciales. La première  : sommes-nous capables de nous battre et de verser notre sang si on ne croit pas à nos valeurs, si on les a déjà trahies mille fois ? La seconde  : quel est ce brillant et courageux chef qui va nous conduire à la victoire ?

Il faut y répondre avant tout ordre de marche, car s’apercevoir en chemin de l’inutilité de son combat et de l’incompétence de son commandant en chef, c’est offrir gratuitement son cou au couteau de l’ennemi.

Quand on sait cela, on sait se battre et on sait aussi être magnanime. La victoire n’est pas tuer mais sauver, aider, accueillir, construire.

« Aux arrrrmes citoyens, formeeeeez vos bataillons… » est-il toujours l’hymne de ce pays ?

Boualem Sansal, écrivain algérien, a reçu le Grand prix du roman de l’Académie française 2015 pour ­2084  : la fin du monde (Gallimard).

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