Responsable de 500.000 décès par an, le paludisme est dû à un parasite de genre Plasmodium, principalement transmis à l'homme par le biais d’une piqûre d’un moustique, l’anophèle. Cinq espèces de parasites peuvent infecter l'homme, mais la très grande majorité des décès est causée par une seule : Plasmodium falciparum. Pour quelle raison ? Il semblerait que l'ancêtre de ce parasite, qui infectait seulement les gorilles, a hérité de gènes d'une autre espèce parasitaire, ce qui lui a permis ensuite d'infecter l'humain. Tel est en effet le résultat de travaux menés par l'équipe internationale dirigée par Beatrice Hahn, professeur de médecine et de microbiologie de l'Université de Pennsylvanie (États-Unis). "Nous avons cherché une piste de réponse dans le génome des parasites Plasmodium infectant nos cousins les chimpanzés et les gorilles (ndlr : qui peuvent eux aussi êtres infectés par le paludisme), explique dans un communiqué Beatrice Hahn. Les découvertes de l'équipe sont publiées dans la revue Nature Communications.
Un précurseur du parasite chez le gorille
Comme Plasmodium falciparum chez l'homme, les parasites qui infectent les grands singes possèdent des gènes qui leur permettent de se cacher du système immunitaire de l'hôte, d'adhérer aux tissus et d'infecter les cellules (voir le cycle de vie du parasite Plasmodium falciparum dans le schéma ci-dessous). Les chercheurs ont ainsi découvert une famille de gènes qui régit la rupture des globules rouges et aide le parasite à se cacher des cellules immunitaires de l'hôte, élément-clé de l'infection de Plasmodium falciparum.
Ils ont également remarqué qu'une courte région sur le chromosome 4 des parasites du chimpanzé, incluant deux gènes essentiels à l'infection, était très différente de celle de Plasmodium praefalciparum, un précurseur supposé de Plasmodium falciparum et infectant seulement le gorille. De manière très surprenante, Plasmodium praefalciparum a hérité directement de cette séquence de gènes d'une autre espèce (on ignore pour l'instant laquelle) : ce type de transmission direct d'une espèce à l'autre s'appelle "transfert horizontal", tandis que la transmission des gènes parentaux à la descendance, bien plus commune, est nommée "transfert vertical". "Il est tentant de spéculer que cet événement inhabituel aurait permis au parasite des gorilles d'infecter les humains", a ajouté Hahn. "Cependant, ce transfert horizontal de gène ne peut pas à lui seul être entièrement responsable." Les circonstances qui ont conduit à l'émergence de Plasmodium falciparum gardent encore une grande part de mystère, selon l'équipe...
© A.Leung / J.Saeki, sim / jmc / pld / AFP
Une multitude de parasites. Les singes peuvent être infectés par six espèces de Plasmodium, classés dans un sous-genre séparé du Plasmodium infectant l'homme et nommé Laverania. Trois espèces, dont Plasmodium reichenowi et Plasmodium gaboni, infectent les chimpanzés, et les trois restantes les gorilles. Parmi ces dernières, l'on trouve Plasmodium praefalciparum, un précurseur supposé de Plasmodium falciparum, et découvert par cette même équipe internationale il y a plusieurs années. L'équipe de Beatrice Hahn s'est intéressée à deux parasites infectant les chimpanzés : Plasmodium reichenowi et Plasmodium gaboni. Elle a prélevé des volumes minimes de sang à des chimpanzés infectés afin de séquencer le génome de ces deux espèces de parasites.