Dans son combat contre Daech, l’armée américaine ne fait pas seulement appel aux frappes aériennes ou aux forces spéciales. Elle compte aussi sur les nouvelles technologies, notamment les machines dotées de capacités d’apprentissage, les “deep learning machines”, à des fins de renseignement.
L’organisation de l’Etat Islamique est sous pression. C’est en tout cas ce qu’affirme Robert Work, secrétaire adjoint à la Défense des Etats-Unis lors d’un colloque organisé hier mercredi 30 mars par le Washington Post intitulé « securing tomorrow« . “Ils subissent une pression folle, à la fois financièrement et sur le terrain.” Mais Robert Work a aussi abordé l’importance de la technologie dans la lutte contre le groupe terroriste.
« Nous sommes absolument certain que l’usage des ‘deep learning machines’ (machines dotées de capacités d’apprentissage approfondies) va nous permettre d’avoir une meilleure compréhension de l’EI en tant que réseau et de mieux définir comment le cibler précisément et le mener à la défaite ».
Le deep learning est un champ de recherche investi par de nombreuses sociétés de la Silicon Valley, le sanctuaire californien des nouvelles technologies. Il s’agit de créer des machines dotées de capacités d’apprentissages, capables d’analyser de grandes masses de données, de reconnaître des formes ou des requêtes formulées par des humain et de les classer très efficacement.
Une utilisation civile comme militaire
Le deep learning a d’abord été connu du grand public pour des usages ludiques, avec le Deep Dream de Google, mis en ligne en juin 2015. Cet outil permet de distinguer des formes dans des images proposées par les utilisateurs, faisant parfois apparaître des animaux se calant entre les plis des vêtements ou le creux des visages qui y figurent.
Les assistants personnels tels que Cortana pour Microsoft ou Siri pour Apple font aussi appel à ce genre de technologie pour comprendre les requêtes des utilisateurs et proposer les solutions les plus adaptés. Il permettent de décomposer les phrases prononcées ou écrites et parfois d’interpréter des demandes trop vagues ou trop vastes pour mieux les satisfaire.
Mais l’intelligence artificielle de Google vient de connaître un grand succès avec son système AlphaGo, dotée de capacités d’apprentissage, qui a battu l’un des meilleurs joueurs de go au monde. Le jeu est d’une complexité telle qu’il a fallu inventer des techniques beaucoup plus élaborées que celles employées par IBM lors de la confrontation contre le champion d’échecs Gary Kasparov dans les années 90.
AlphaGo est ainsi dotée de deux réseaux neuronaux, chacun imitant le fonctionnement d’un cerveau humain et à qui une mission spécifique est attribuée. L’un doit rechercher les coups qui peuvent permettre une victoire tandis que l’autre est chargé de distinguer quels mouvements sont les plus adaptés à la situation.
Des techniques de renseignement extrêmement perfectionnées
Mais quel usage peut bien réserver l’armée américaine au deep learning ? En 2014, le site GigaOm publie un article décrivant un projet mené par la Darpa (Defense Advanced Research Projects Agency, Agence de projet des recherches avancées de défense), intitulé Deft pour Deep Exploration of Text. Lancé en 2012, il a pour objectif d’aider les analystes du département de la Défense américaine à extraire les données fondamentales des flots de données récoltées par les services de renseignement. Il s’agit aussi de faire sortir les informations implicitement contenues dans certains documents, ce que les technique de traitement d’information classique ne permettent pas.
Lors de son intervention, Robert Work a évoqué le travail d’une société de la Silicon Valley qui aurait permis, en analysant et compilant de grandes quantités de données contenues dans des tweets ou des posts Instagram, de déterminer les conditions du crash du vol de la Malaysian Airlines en Ukraine en juillet 2014. Selon le site du magazine Federal Computer Week, la société à laquelle fait référence le secrétaire adjoint à la Défense serait Orbital Insight, une société spécialisée dans les données géospatiales.
L’entrée dans l’ère de la « cyberguerre”
La situation est compliquée pour l’Etat islamique qui aurait perdu jusqu’à 40 % du terrain conquis lors de son énorme percée effectuée à l’été 2014. Comme le rapportait le Washington Post en février, de nombreux problèmes assaillent le groupe. Les infrastructures pétrolières, sources de revenus, sont ciblées et détruites lors des attaques aériennes, les désertions sont de plus en plus nombreuses.
En février, le secrétaire à la Défense des Etats-Unis Ash Carter annonçait publiquement que des cyberattaques avait été menées depuis les Etats-Unis à l’encontre des moyens de communication de l’organisation. Le pays est alors officiellement entré de plain-pied dans la guerre numérique. Il ne fait pas de doute que les nouvelles technologies auront une place de plus en plus importante au centre des conflits, que ce soit au niveau de la récupération et l’analyse de données qu’au niveau des frappes mêmes.