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Des responsables de protection animale dans les abattoirs, une solution contre la maltraitance ?

Le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, a annoncé jeudi vouloir imposer un salarié référent dans chaque établissement.

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Publié le 31 mars 2016 à 17h03, modifié le 31 mars 2016 à 19h29

Temps de Lecture 4 min.

Capture d'écran d'une vidéo filmée en caméra cachée et publiée par l'association L214, montrant des actes de cruauté dans un abattoir des Pyrénées-Atlantiques, à Mauléon-Licharre.

La fin des actes de cruauté perpétrés dans les abattoirs peut-elle passer par l’installation de représentants de protection animale dans ces établissements ? C’est le sens de l’annonce du ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, au micro d’Europe 1 jeudi 31 mars, deux jours après la révélation, par l’association L214 et Le Monde, d’un nouveau scandale de maltraitances infligées à des animaux dans un abattoir du Pays basque. Mardi, le ministre avait déjà ordonné la tenue d’inspections dans l’ensemble des 263 abattoirs de France d’ici un mois.

« Il y aura des représentants pour la protection animale dans tous les abattoirs de France », a promis Stéphane Le Foll jeudi. « Il y a, au niveau européen, une réglementation qui prévoit des représentants dans chaque abattoir », a-t-il fait observer.

227 responsables de bien-être animal en France

En réalité, le ministre annonce une mesure… qui existe déjà et ne fonctionne pas vraiment. Depuis le 1er janvier 2013, le règlement européen de 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort le prévoit, dans son article 17 :

« les exploitants désignent, pour chaque abattoir, un responsable du bien-être des animaux », qui « est en mesure d’exiger que le personnel de l’abattoir prenne les mesures correctives nécessaires » pour assurer le traitement correct des bêtes.

Un niveau de protection censé compléter celui des inspecteurs vétérinaires, obligatoirement présents dans les établissements, mais prioritairement affectés à l’inspection sanitaire des bêtes au détriment des contrôles concernant le bien-être animal.

Cette désignation d’un « responsable du bien-être animal » n’est facultative que dans le cas d’établissements qui abattent moins de mille unités de gros bétail ou 150 000 oiseaux ou lapins par an. En France, cette exception concerne 36 des 263 abattoirs de boucherie – dont l’établissement du Vigan (Gard), qui avait été provisoirement fermé après la révélation d’actes de cruauté en février.

Les 227 autres établissements – dont font partie ceux de Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantiques) et d’Alès (Gard), aussi accusés de maltraitance et visés par des enquêtes – ont donc depuis 2013 l’obligation de désigner parmi leurs salariés un responsable de protection animale (RPA) et non pas un représentant, comme l’a dit M. Le Foll.

Statut de lanceur d’alerte

Pourquoi, dans ce cas, l’existence de ces RPA n’a-t-elle pas empêché des actes de maltraitance sur les animaux ? « Il y avait [un RPA] dans cet abattoir à Mauléon-Licharre, reconnaît Stéphane Le Foll. Cela veut dire qu’il n’a pas parlé. Est-ce que c’est parce qu’il avait peur, est-ce que c’est parce qu’il avait des pressions ? » « Nous avons bien désigné et formé un RPA, mais il n’a pas vu les dérapages catastrophiques que nous avons connus », défend Gérard Clémente, le directeur de l’abattoir.

Tout dépend, de fait, du poste qu’occupe le RPA dans l’entreprise, de sa disponibilité pour assurer cette mission et de sa proximité géographique avec la chaîne d’abattage. A Mauléon-Licharre, le RPA, un salarié de l’abattage, « n’était pas dédié à temps plein à cette activité. Le reste du temps, il tournait sur les différents postes de la chaîne d’abattage, occupé à ses tâches », explique Gérard Clémente.

A l’abattoir de Besançon, un établissement qui traite 27 000 bêtes par an et emploie 40 salariés, il y a cinq RPA. Ils ne sont pas sur la chaîne d’abattage, mais dans l’encadrement. Figure parmi eux le responsable du site lui-même, Pascal Luc. Aurait-il le temps de voir des actes irréguliers ? « Je passe 70 % de mon temps sur la chaîne d’abattage », assure-t-il.

Jean-Pierre Kieffer, vétérinaire et président de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs, une association de protection animale, explique :

« Il s’agit le plus souvent de directeurs de qualité, qui cumulent les deux casquettes. Ils sont forcément absents à un moment donné. Et surtout, le lien de subordination envers leur employeur en fait des contrôleurs qui ne sont pas indépendants. L’optique qu’ils fassent arrêter une chaîne d’abattage face à des actes de maltraitance reste très hypothétique. »

Pour éviter que de telles situations se renouvellent, M. Le Foll souhaite accorder « une protection pour ces salariés, qui pourra aller jusqu’à leur donner le statut de lanceur d’alerte pour qu’ils soient protégés et qu’ils puissent, dès que quelque chose ne va pas, le dire aux services vétérinaires ».

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Le ministre pourrait agir par décret, précise son cabinet, ou dans le cadre du projet de loi sur la transparence de la vie économique, présenté en conseil des ministres mercredi 30 mars par le ministre des finances, Michel Sapin, qui prévoit déjà un statut de lanceur d’alerte au niveau financier.

La formation en question

La question de la formation de ces responsables de protection animale est également posée. « Elle sera renforcée, nous allons voir comment améliorer son efficacité », assure le directeur de cabinet de Stéphane Le Foll, Philippe Mauguin.

Actuellement, les RPA reçoivent une formation de deux jours, dispensée par des organismes agréés par le ministère de l’agriculture. Au programme : les bonnes règles de mise à mort des animaux et la réponse aux situations problématiques, depuis le déchargement du camion jusqu’à l’abattage.

« Mais cette formation est seulement théorique, sous forme de QCM [questionnaire à choix multiples]. Il faudrait qu’elle soit également pratique, avance Jean-Pierre Kieffer. Je doute, également, que les RPA aient eu le temps de lire les deux guides de bonnes pratiques sur les bovins et les ovins/caprins, qui font chacun environ 300 pages. »

« La seule solution réside dans le renforcement des contrôles des inspecteurs vétérinaires, qui peuvent, eux, arrêter la chaîne d’abattage et retirer leurs certificats de compétence à des opérateurs défaillants, assure-t-il. La pose de caméras de vidéosurveillance permettrait également de renforcer les contrôles tout en aidant à la formation des agents. »

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