Le camp d’Idomeni, une catastrophe européenne

Un policier macédonien contient violemment des réfugiés. [Freedom House/Flickr]

12 000 réfugiés sont toujours bloqués à Idomeni, à la frontière grecque. Pour Karl Kopp, de Pro Asyl, il est urgent de trouver une solution politique et humanitaire.

Karl Kopp est porte-parole de Pro Asyl, une organisation allemande d’aide aux réfugiés. Il a répondu aux questions de notre partenaire, le Tagesspiegel.

L’Europe n’a toujours pas de solution à la crise des réfugiés. À Idomeni, 12 000 personnes sont coincées à la frontière grecque. Comment ces réfugiés peuvent-ils garder espoir ?

Nous devons leur donner de l’espoir. Même si la route des Balkans ne rouvrira pas. Tous les jours, toutes les nuits, davantage de migrants sont refusés à la frontière macédonienne. Toute la route des Balkans est une zone sans droits de l’Homme, mais les réfugiés ne devraient pas perdre espoir. Il reste des moyens légaux d’échapper à la catastrophe humanitaire d’Idomeni, mais aussi d’autres endroits, comme Le Pirée. Nous devons trouver une solution humanitaire et politique pour les personnes coincées en Grèce. Les mesures défensives n’aident qu’un groupe de personnes : les trafiquants.

Plusieurs personnalités politiques allemandes ont fait des déclarations encourageantes. Simone Peter, chef de file des Verts, a par exemple déclaré que l’Allemagne devait agir de manière unilatérale pour loger les réfugiés d’Idomeni. Le ministre-président de la province de Thuringe, Bodo Ramelow, a pour sa part assuré que sa circonscription pouvait accueillir 2 000 personnes.

Il est positif que ces attitudes soient visibles. Les responsables de la fermeture de la route des Balkans veulent que les images terribles d’Idomeni découragent les autres réfugiés. Cette catastrophe les arrange.

C’est le cas de Sebastian Kurz, le ministre autrichien des Affaires étrangères, par exemple. Son discours ne diffère pas vraiment de celui du Premier ministre hongrois, Viktor Orbán. D’autres attendent que les Turcs résolvent le problème. Comme il n’y a plus de coalition des volontaires en Europe, nous devons envisager d’autres possibilités.

Les communautés de Barcelone et Valence ont déjà offert d’accueillir des réfugiés qui se trouvent en Grèce. Le Portugal, pourtant un tout petit pays, a assuré pouvoir en accueillir 10 000. L’Allemagne doit aider aussi, en ouvrant des voies légales aux réfugiés d’Idomeni, pour qu’ils puissent fuir les conditions déplorables dans lesquelles ils vivent actuellement. Nous devons créer une nouvelle coalition des volontaires.

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Des photos révélant les conditions épouvantables du camp d’Idomeni circulent dans la presse. Certains gouvernements se félicitent-ils de ces images, qui risquent de décourager des candidats au périple vers l’Europe ?

L’idée – fausse – selon laquelle ces images choquantes dissuaderaient les réfugiés  convaincu nombre de dirigeants européens de droite qui appliquent des politiques d’asile cyniques. Ce n’est pas parce que les conditions [de vie dans les camps] sont horrifiantes que les crises mondiales se résoudront, et cela ne découragera certainement pas les migrants à trouver refuge en Europe.

De l’autre côté de la mer Égée et de la Méditerranée, la situation humanitaire est tellement dramatique, il y a tellement de conflits et de souffrances, que les gens continueront quand même à prendre la route de l’Europe, en quête de protection. Le sort de ces gens est entre les mains de l’Europe. Ces images ne les décourageront pas. Le principe de la dissuasion ne fonctionnera pas, il entrainera juste plus de souffrance.

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Certains accusent les activistes d’accentuer les tensions. De fausses rumeurs selon lesquelles la frontière sera bientôt rouverte ou le camp évacué ont circulé à Idomeni. Qu’en pensez-vous ?

Nous ne savons pas qui a lancé ces rumeurs. Il faut répéter que les volontaires et activistes ont fourni une aide inestimable, de l’île de Kos à l’Europe centrale. Sans leur participation, nombre de réfugiés auraient eu [encore plus] faim, n’aurait pas eu accès à des soins médicaux, et tout le système se serait probablement effondré.

Bien sûr, les personnes qui sont dans une situation désespérée ne devraient pas recevoir des informations partielles, erronées ou inutiles. Ce n’est pas comme cela qu’on aide les réfugiés.

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Athènes veut résoudre la situation à Idomeni et déplacer les réfugiés vers des camps mieux organisés. Conseilleriez-vous aux migrants de suivre les instructions des autorités ?

Nous ne pouvons pas conseiller les réfugiés sur cette situation si difficile. Les habitants des camps alternatifs ne sont pas mieux lotis que ceux d’Idomeni. Les demandeurs d’asile en transit ne reçoivent aucune information utile des autorités grecques.

Il est donc très difficile pour les réfugiés de suivre les conseils de la chancelière allemande qui leur dit d’avoir confiance dans les recommandations du gouvernement grec et de chercher un autre endroit où loger. Il ne s’agit pas de touristes qui peuvent se payer l’hôtel !

Leurs « alternatives » sont juste d’autres formes d’absence de logement. Plus de 60 % des réfugiés sont des femmes et des enfants. Il y a des milliers d’enfants non accompagnés en Grèce. Nombre d’entre eux se retrouvent en cellule dans les postes de police à cause du manque de place d’accueil.

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