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Politique

Pédophilie : l'accablante com' de crise du cardinal Barbarin

Une cinquième plainte vise le comportement du cardinal Barbarin dans une affaire de pédophilie à l'heure où celui-ci a recruté un communicant pour l'aider. La communication peut-elle sauver Mgr Barbarin aux yeux de l'opinion?
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17/03/16 Le cardinal Philippe Barbarin mardi 16 mars lors de sa conférence de presse à la conférence des évêques à Lourdes.
Le cardinal Philippe Barbarin mardi 16 mars lors de sa conférence de presse à la conférence des évêques à Lourdes.
AFP/ Eric Cabanis

Et encore une plainte contre le cardinal Barbarin. Et toujours pour la même raison. Le prélat a maintenu dans ses fonctions un prêtre accusé de pédophilie par l'une de ses victimes. Alerté en 2009, Philippe Barbarin aurait finalement suspendu le prêtre incriminé par cette nouvelle plainte il y a deux semaines. En un moment où il était déjà empêtré par les troublantes révélations relatives à son comportement dans le traitement des affaires de pédophilie relevant de sa compétence.

Pour l’Église, cette accumulation de plaintes visant le même homme et le même diocèse devient de plus en plus problématique. Cinq plaintes au total. En quelques mois. Et la manière dont se défend Barbarin, encore soutenu par ses confrères ne va pas contribuer à améliorer son sort médiatique.

Visiblement, Barbarin délaisse la protection divine pour celle de la communication. Si l'on en croit Libération, il aurait ainsi confié sa com' de crise à Guillaume Didier, membre de l'agence Vae Solis, spécialisée dans la gestion des cas difficiles. Voire désespérés. Barbarin aurait ainsi pris place dans une galerie de personnalités comptant Thomas Fabius, fils de Laurent, aux prises avec des affaires d'argent suspectes, ou François-Marie Banier, le photographe compromis et condamné pour le rôle qu'il a joué dans l'affaire Bettencourt.

Une forme d'aveu implicite

Le choix de Barbarin étonne. Choisir le communicant Guillaume Didier (ancien magistrat passé par des cabinets ministériels de droite, de Pascal Clément à Michèle Alliot-Marie en passant par Rachida Dati) pour assurer sa défense médiatique, c'est comme choisir naguère Jacques Vergès, avocat des pires causes perdues. Une forme d'aveu implicite.

Donc, voilà le Primat des Gaules saisi par la communication de crise. Et décidé à s'accrocher, coûte que coûte, à son siège lyonnais. Que s'accumulent les plaintes et les scandales, que se cumulent les indignations et les inquiétudes, l'évêque Barbarin ne cédera pas. Il ne démissionnera pas. Il jouera la montre judiciaire et la communication.

Désormais, tout ce que dit et fait Barbarin doit être lu en fonction des impératifs de sa com' de crise. Ce dernier dimanche de Pâques, par exemple, passant par Argenteuil, le cardinal en a profité pour demander "personnellement pardon" aux victimes d'actes pédophiles. Un premier mot, enfin, envers ceux qui ont souffert et souffrent encore. Enfin... Mais est-ce suffisant pour apaiser ces souffrances?

Le grand classique mea culpa salvateur

La figure du mea culpa salvateur est un grand classique de la communication de crise. Avouer quelque chose, confesser une faute, reconnaître une erreur, demander pardon, c'est la première chose que recommandent les communicants à leurs clients. Avouer, c'est déjà être à demi-pardonné disent-ils. Il est difficile de s'interdire de penser que le pardon pascal de Barbarin est d'abord et avant tout une opération de communication plus que la manifestation d'un repentir sincère. Le "personnellement pardon" du prélat tient plus de l'élément de langage que de la révélation divine.

On touche là à la difficulté qui attend Barbarin le communicant dans les semaines et les mois qui viennent. Sachant qu'il n'est de bonne communication que si cette dernière est la manifestation de l'authenticité, le cardinal parviendra-t-il à être authentique, donc à être dans la vérité, et de lui-même et de son magistère pastoral?

Jusqu'à aujourd'hui, Barbarin n'a paru authentique et vrai qu'en une occasion: lors de cette fameuse conférence de presse où il s'est exclamé "La majorité des faits, grâce à Dieu, sont prescrits". Propos spontané qui signifiait qu'il pensait alors se sortir des affaires dans lesquels il est enferré depuis des semaines. Il avait fallu l'intervention d'un journaliste, lui signalant que cette sortie pouvait heurter les victimes pour que le cardinal corrige le tir. Mais trop tard. Le mal était fait. L'image d'un Barbarin bien plus soucieux de son destin personnel, de son maintien en fonction que du sort des victimes s'est alors installée. Et elle va persister. Comme le disait Zola, la vérité est une arme terrible.

Le champ le plus réactionnaire qui puisse être

L'image de l'homme d'Eglise Barbarin est déjà très abîmée aux yeux de l'opinion. Et les révélations tombent, jour après jour, qui dessinent le portrait d'un hiérarque de l’Église qui cumule tous les travers de l'institution.

Déjà connu pour des terribles propos sur l'instauration du mariage pour tous, on sait désormais que Barbarin est aussi intervenu en faveur des parents intégristes de Vincent Lambert, incitant les évêques de sa région à signer une lettre soutenant l'action des dits parents. Chaque combat politique mené par Barbarin l'ancre dans le champ le plus réactionnaire qui puisse être (à l'exception notable d'interventions en faveur de la cause des Roms).

La contradiction entre ce que devrait incarner Barbarin et ce qu'il incarne est en outre aggravée par l'image du pape François, ce pape qui encourage ceux des prêtres qu'il reçoit en audience particulière et lui avouent qu'ils bénissent les homosexuels et les divorcés remariés en leur rappelant leur mission pastorale. "Tu as raison, nous sommes d'abord des pasteurs" a-t-il dit à l'un de ces prêtres qui ne se situent pas sur la même ligne que Barbarin.

63% des Français demandent la démission de Barbarin

Or, l'image de progrès et d'ouverture qui est celle de François est bien plus en adéquation avec ce que l'opinion attend de l’Église d'aujourd'hui. Elle pèse sur Barbarin, qui ne peut souffrir que de la comparaison, et rend sa tâche de communicant d'autant plus difficile. Barbarin a beau être soutenu par cette partie de l'opinion, portée par des figures politiques et médiatiques, qui défend une Église crispée et fermée au monde, au nom d'un identitarisme ultra-conservateur, il n'en demeure pas moins minoritaire.

Un sondage récent (Odoxa pour le Parisien) indiquait que 63% des Français demandent la démission de Barbarin. 88% jugent que les problèmes sont "passés sous silence par la hiérarchie de l’Eglise" et 86% regrettent que les faits soient "insuffisamment sanctionnés". Seuls 62% des pratiquants (10% de l'échantillon du sondage) estimant que le cardinal ne devait pas démissionner.

Interrogé par le Parisien à l'occasion de Pâques sur le sujet Barbarin, et sur le fait que ce qu'il incarne désormais ne va pas amener les 56% de Français qui ont une mauvaise image de l’Église à changer d'avis, Mgr Vingt-Trois, cardinal de Paris répondait: "C’est bien possible, oui! Et alors? Vous me posez la question dans la semaine où Jésus a été arrêté, jugé et mis à mort. Je ne pense pas qu’il avait une très bonne image... Nous ne travaillons pas pour fabriquer notre image. Il n’est jamais agréable d’être mal perçus, mais ça n’est pas vraiment très nouveau".

La comparaison entre l'image de Jésus à l'époque romaine et le cardinal Barbarin est osée. Et l'on aimerait savoir ce que pense le cardinal Vingt-Trois, qui prétend que lui et ses confrères ne travaillent pas à "fabriquer" leur "image" du recrutement d'un communicant de crise pour travailler l'image de Barbarin, comme s'il s'agissait d'une idole chrétienne œuvrant à la construction de sa gloire médiatique, qu'il considère nécessaire au monde.

Barbarin communicant en mal de soutiens, ou la contradiction entre éléments de langage et authenticité de l'homme de foi. Croire en Dieu n'oblige pas à croire en Barbarin. Ceux qui soutiennent le communicant Barbarin devraient lire et relire ce qui est dit dans la Bible: "Tu ne te feras point d’image taillée… Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras pas" (Exode 20.4,5).

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