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CENTRAFRIQUE

Pourquoi les soldats français sont-ils hués à Bangui ?

Des Banguissois agitent les bras en criant "non" ou en huant au passage de soldats français de la force Sangaris.
Des Banguissois agitent les bras en criant "non" ou en huant au passage de soldats français de la force Sangaris.
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Une vidéo prise par notre Observateur montre un convoi de la mission Sangaris qui se fait copieusement huer à Bangui. Nos Observateurs dans la capitale de Centrafrique nous expliquent pourquoi les soldats Français, dont la mission initiale était de mettre un terme aux massacres intercommunautaires, sont aujourd’hui tant critiqués.

La France avait déployé la mission Sangaris en décembre 2013, pour stopper les violences déclenchées après le renversement du président François Bozizé par la rébellion Séléka. L’armée française avait d’abord été accueillie dans les rues de la capitale Bangui sous les hourras d'une grande partie de la population.

Deux ans et demi plus tard, le ministre français de la Défense, Jean-Yves le Drian, a annoncé le retrait progressif des troupes en 2016. Il a affirmé mercredi que l’opération Sangaris était "un remarquable exemple de l’efficacité et du succès de nos armées en opérations extérieures […] dans une mission particulièrement périlleuse".

"Le sentiment anti-Français est en progression"

Depuis quelques mois déjà, nos Observateurs nous font part d’attitudes hostiles de beaucoup de leurs concitoyens envers les convois militaires de la Sangaris dans les rues de Bangui. Mercredi, l'un de nos Observateurs, Chris Can, a été témoin d’une de ces scènes, qu’il a pu filmer.

Les soldats français pas la bienvenue cet après-midi

Posté par Chris Can sur mercredi 30 mars 2016

Dans la scène, filmée le jour de l'investiture du nouveau président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, des habitants font de grand signes "non" en agitant les bras au passage de militaires à bord de chars arborant le drapeau français.Vidéo Chris Can.

Les slogans sont variés. Ils vont de ‘On ne veut plus de vous’, à ‘Voleurs de diamants’ ou encore ‘Violeurs d'enfants’ [en référence aux scandales de viols d’enfants par des soldats français révélés par l’ONU, mais non corroborés par d’autres sources. Jeudi, de nouvelles allégations visant des soldats français qui auraient forcés des enfants à avoir des relations sexuelles avec des animaux, ont été lancées par une ONG américaine]. D’autres scandaient même 'On préfère les Chinois'.

Ces slogans, on les a toujours entendus. Mais depuis l’annonce du retrait total de Sangaris, le sentiment anti-Français est en progression. Beaucoup de Centrafricains accusent la France d'être à la base de nos problèmes : d’être intervenus trop tard pour contrer l’avancée de la Séléka, de ne pas avoir participé activement au désarmement des groupes rebelles… La présence de la Sangaris n’a d’ailleurs par évité des cycles de violence, comme en octobre 2014, ou, plus récemment, en octobre et en novembre 2015. Les espoirs ont été déçus. Entre les Centrafricains et les Français, c’est un peu ‘je t’aime, moi non plus’, et cela concerne toutes les communautés, chrétiens ou musulmans. Ils sont un peu devenus un bouc-émissaire qui réunit les Centrafricains.

"Certains craignent que le départ des Français soit synonyme de reprise des hostilités"

Si la plupart de nos Observateurs s’accordent à dire que les manifestations hostiles sont en progression, certains nuancent l’idée de défiance généralisée. Éric Ngaba, journaliste pour Corbeau News, est l’un d’entre eux.

De mes reportages de terrain, je retiens que certains Banguissois estiment que la Sangaris n'a pas encore terminé sa mission. Dans le quartier PK5 ou à Lakouanga, beaucoup se disent heureux de leur intervention, notamment car les patrouilles régulières ont dissuadé les attaques des anti-balaka [milices composée de chrétiens et d’animistes, opposée aux ex-Séléka]. Certains craignent que leur départ soit synonyme de reprise des hostilités. D’autres regrettent que le désarmement du quartier Boy-Rabe [considéré comme un fief des anti-balaka] ou du PK5 [abritant des combattants de l’ex-Séléka], foyers de violences ces derniers mois, n’aient pas pu être effectués.

Il n’y a pas que l’aspect militaire à retenir. Les soldats français ont encadré des actions dans le domaine social, favorisé la réhabilitation de certains bâtiments publics et participé à des actions de sensibilisation au vivre ensemble entre les communautés.

L'armée française a participé à l'organisation de plusieurs réunions autour de la "réconciliation centrafricaine". Ici, photo prise par Éric Ngaba lors d'une journée autour du thème de la "cohésion sociale" le 22 aout 2015. Sangaris participait à "l'encadrement logistique et à la sécurisation des lieux" selon notre Observateur.

France 24 a contacté la porte-parole de Sangaris à Bangui pour une interview à ce sujet qui nous a répondu "être prête à travailler pour [faire venir France 24] sur des patrouilles afin [de prendre] la température de nos relations avec la population ou pour illustrer d’autres actions de la Force SANGARIS" sans répondre à nos questions.

Environ 300 soldats français resteront en place en Centrafrique pour assurer le passage de relai à la mission des Nations unies, la Minusca. Pour ceux qui sont rentrés, la mission a laissé des traces : un rapport parlementaire publié en février 2015 estimait que 12 % des soldats français ayant été en Centrafrique souffrent aujourd’hui de syndrome de stress post-traumatique.

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