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« Panama papers » : des milliers d’Islandais ont manifesté contre leur premier ministre

Des Islandais expriment leur mécontentement devant le Parlement, après les révélations des « Panama papers » mettant en cause leur gouvernement.

Par  (Reyjkjavik, Islande, envoyé spécial)

Publié le 04 avril 2016 à 16h17, modifié le 04 avril 2016 à 23h49

Temps de Lecture 3 min.

La police islandaise installe des barrières en vue de la manifestation lundi 4 avril au soir en Islande après les révélations de

A chaque fois, ils font deux heures et demie de route pour venir jusqu’à Reykjavik. Mais Lilja Magnusdottir, 42 ans, et son compagnon, Gunnar Joküll Karlsson, 37 ans, n’ont pas hésité une seconde à venir, dimanche 3 avril au soir, regarder avec leurs amis l’émission télévisée que toute l’Islande attendait sur les compagnies offshore de son premier ministre, Sigmundur David Gunnlaugsson, et de deux de ses principaux ministres.

Toutes ces discussions politiques n’empêcheront pas Lilja et Gunnar de reprendre la route, après le travail lundi soir, pour venir participer à la manifestation prévue devant le Parlement. Les organisateurs ont d’ailleurs accepté de leur donner la parole pour qu’ils expriment leur colère.

« Cela fait longtemps que je pense qu’il y a un problème avec le gouvernement, mais quand j’ai vu le scandale commencer à sortir, je me suis dit que c’était le moment où jamais d’agir », raconte Lilja Magnusdottir, assistante maternelle dans la crèche de sa petite commune de huit cent cinquante habitants.

Quelques jours après que la femme du premier ministre eut révélé sur Facebook l’existence de Wintris, sa société offshore détenue jusqu’à la fin de 2009 avec son mari, et dont personne n’avait entendu parler jusqu’ici en Islande, elle avait lancé une pétition sur Internet pour demander la démission du gouvernement.

Le parti d'opposition islandais s'est réuni, lundi 4 avril, suite aux révélations de

Un changement espéré

« Après le krach de 2008, on a parlé d’une Islande meilleure, qui avait changé, mais on voit que tout va plus mal. On a été trahis par tous ceux qui nous ont dit que ça allait mieux », assure Lilja Magnusdottir, qui dit « ne pas comprendre comment les gens ont pu voter en 2013 pour ceux qui étaient responsables de cette crise ».

Après quatre ans de pouvoir de la gauche, le Parti du progrès (libéral) et celui de l’indépendance (conservateur) avaient en effet cette année-là réussi à reconquérir le pouvoir en promettant qu’ils avaient changé. Les deux partis avaient notamment mené une politique de privatisation des banques dans les années 1990 et 2000, qui avait conduit à la création d’une gigantesque bulle, explosée en trois jours en 2008.

Avec Gunnar Joküll Karlsson, réceptionniste dans un hôtel, Lilja Magnusdottir avait voté pour le Parti pirate. Créé en 2012, celui-ci veut changer la Constitution du pays et en finir avec les relations douteuses des élites économiques locales avec les places financières obscures. Jusqu’au scandale « Panama papers », l’engagement de Gunnar Joküll Karlsson et Lilja Magnusdottir n’allait pas plus loin.

Tout a changé avec la pétition. « Je pensais que notre pétition allait avoir vingt signatures, mais on en a eu plus de dix mille en quelques jours », lâche Lilja Magnusdottir, impressionnée. En même temps qu’elle regarde l’émission, elle suit d’ailleurs l’évolution en direct du compteur. Lundi midi, ils étaient plus de vingt-trois mille à l’avoir signée.

Les manifestations de 2008

Sur Facebook, des milliers d’Islandais promettent également qu’ils viendront manifester devant le Parlement lundi soir. Des chiffres considérables pour un pays de trois cent vingt-neuf mille habitants. L’atmosphère rappelle d’ailleurs les manifestations monstres d’après le krach financier de 2008, qui avaient poussé le gouvernement d’alors vers la sortie.

En regardant le moment crucial de l’émission, où le premier ministre, Sigmundur David Gunnlaugsson, est interrogé sur la société Wintris et préfère quitter la salle que de répondre, Gunnar Joküll Karlsson murmure : « S’il ne démissionne pas après ça, je ne sais pas ce qu’il faut. » Pourtant, lundi 4 mars au matin, la majorité semblait tenir relativement bien en Islande. Bien que gênés, les députés des deux partis au pouvoir ne semblaient pas prêts à voter la motion de censure envisagée par l’opposition.

« Le déroulé des événements présenté par l’émission est tout à fait conforme à ce qui avait été dit », a justifié un porte-parole du Parti du progrès. En communiquant en amont de la diffusion de l’existence de ces sociétés offshore, le premier ministre, celui des finances et celle de l’intérieur, estiment avoir dissipé les soupçons.

Adhésion au Parti pirate

Comme beaucoup de monde en Islande, Lilja Magnusdottir et Gunnar Joküll Karlsson ne s’étonnent pas que M. Gunnlaugsson refuse de démissionner : « En Islande, les ministres démissionnent très rarement… Ils vont encore minorer le scandale », estiment-ils. Même si l’opposition veut déposer une motion de censure, le pouvoir dispose d’une majorité confortable, de trente-huit sièges sur soixante-trois. Pour contourner ces obstacles, l’opposition pourrait d’abord réclamer une commission d’enquête.

Dimanche, ils ont aussi adhéré au Parti pirate. « Je ne veux plus des anciens partis, et eux font de la politique différemment », explique Gunnar Joküll Karlsson. Dans les sondages, ce parti est d’ailleurs ultrafavori depuis plusieurs mois avec plus de 30 % des intentions de vote. Si un scrutin anticipé était organisé, sa leader, Birgitta Jonsdottir, aurait de grandes chances de devenir première ministre. Autant de raisons qui ne poussent pas les deux partis au pouvoir à risquer une dissolution.

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