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Légaliser le cannabis, mortel tabou

Alors que le député socialiste Patrick Mennucci a annoncé vouloir rouvrir le dossier de la légalisation du cannabis, après un nouveau règlement de comptes qui a fait trois morts à Marseille, il serait temps d'envisager sérieusement des solutions pertinentes.
par Jonathan Bouchet-Petersen, Chef de service France @BouchetPetersen
publié le 4 avril 2016 à 15h34

Au fil des années, c'est devenu un impensé à gauche et même un tabou. Au début du quinquennat, le simple fait pour l'alors ministre de l'Education, Vincent Peillon, de juger publiquement qu'un débat sur la dépénalisation du cannabis était légitime lui avait valu un rappel à l'ordre de Matignon. Durant la campagne de la primaire, en 2011, François Hollande n'avait-il pas été le candidat en lice le plus fermé sur le sujet. «Cessons de penser qu'on va régler les problèmes de trafic dans les quartiers car on l'aurait légalisé», avait-il lancé lors d'un débat organisé par le Collectif du 21 avril.  A l'opposé du PRG Jean-Michel Baylet, qui a avit défendu la légalisation dans les débats de la primaires, mais qui a remisé ce combat depuis qu'il est entré au gouvernement.

Si la gauche au pouvoir est complexée sur le sujet, au mépris du pragmatisme qu'elle se plaît désormais à revendiquer dans bien des domaines, c'est bien sûr par peur du procès en laxisme que ne manqueraient pas de lui intenter la droite (qui prône en Ile-de-France un dépistage des lycéens) et l'extrême droite si d'aventure elle bougeait une oreille sur le sujet des drogues douces. Durant l'entre-deux-tours de la présidentielle, le 26 avril 2012 sur France 2, François Hollande avait lancé cette mise en garde à ceux dans son camp qui préconisaient un assouplissement de la réglementation : «Tout message envoyé [dans ce sens] serait regardé comme un signal de faiblesse.»

Inflammable, ce débat est souvent mal posé. Si on en reste à la seule question de la dépénalisation, qui prend acte de la consommation, on passe à côté de l'essentiel car seule l'arme de la légalisation peut permettre de s'attaquer au trafic, en l'étatisant. Autrement dit en coupant l'herbe sous le pied des réseaux. Au-delà de la manne financière issue de la commercialisation officielle et donc de la taxation de la consommation d'herbe ou de résine – les exemples ne manquent pas, notamment dans plusieurs états américains –, l'enjeu est autant celui de la sécurité, alors que de nombreux règlements de compte meurtriers sont liés au trafic de cannabis, que de la santé publique, alors que la qualité et la puissance des produits ne sont en l'état pas encadrées. Autant d'éléments rationnels qui doivent conduire à dépasser la simple posture et à ne pas carricaturer le débat comme opposant la gauche pétard laxiste à la gauche responsable rigide.

Le contexte n'est plus celui, avant tout folklorique et culturel, de l'Appel du 18 joint. Comme l'a rappelé le député PS et maire de secteur à Marseille, Patrick Mennucci, il y a urgence alors que les morts à la kalachnikov s'accumulent dans la cité phocéenne. Sans imaginer que la légalisation seule mettra fin à cette spirale mortelle, la réalité exige ne pas balayer cette solution pour de mauvaises raisons alors que la «guerre contre la drogue» s'avère un échec.

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