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Reportage

«Un policier m’a dit que ça lui faisait plaisir de nous matraquer»

Loi travail, la réforme qui fâchedossier
Lycéens et étudiants ont défilé dans la matinée contre la loi travail ce mardi. Une manifestation marquée par des débordements et quelque 130 interpellations.
par Cyril Castelliti
publié le 5 avril 2016 à 16h55

Sur le rond-point de la place de la Nation, la jeunesse parisienne se prépare à défiler. «On est les futurs travailleurs de ce pays. On refuse d'enchaîner les contrats précaires pour gagner de la merde», s'insurge un lycéen. Préparer le bac ou manifester, beaucoup ont choisi. «A quoi ça sert le bac si la loi passe ?» déplore un élève de terminale. Egalement présente en nombre, la police enchaîne les contrôles. Ils provoquent parfois des attroupements de jeunes qui huent les forces de l'ordre.

«La jeunesse n’a pas toujours raison, mais ceux qui s’y opposent ont toujours tort»

Le cortège démarre dans le calme en direction de Bastille. Parmi les slogans affichés en tête de cortège, une phrase du rappeur Booba est détournée : «Le ciel sait que l'on saigne sous nos cagoules contre la loi travail.» Lycéens et étudiants chantent en chœur leur rejet de la loi El Khomri. «La jeunesse n'a pas toujours raison, mais ceux qui s'y opposent ont toujours tort», peut-on voir sur une pancarte levée par un jeune.

Rapidement, un groupe d'une cinquantaine de personnes s'attaque aux forces de l'ordre. Des pierres et de la peinture sont jetées. A l'unisson, la foule chante : «Tout le monde déteste la police.» Celle-ci s'infiltre parmi les manifestants à grands coups de matraques. Le cortège est scindé en deux. Au moment où le calme semble revenu, le groupe de jeunes violents fonce vers les forces de l'ordre en poussant des cris de guerriers dignes du film 300. La police est prise en étau. Elle réplique avec des gaz lacrymogènes avant de reculer.

«Libérez nos camarades»

Quelques coups de matraques plus tard, les forces de l'ordre réussissent à couper le cortège en deux pour de bon. A ce stade, la manifestation a déjà perdu la moitié de son effectif. Certains ont fui, d'autres ont été embarqués et quelques jeunes se font soigner sur les trottoirs par des volontaires. «J'ai pris deux coups de tonfa sur la tête», gémit un étudiant en sociologie alors que du sang coule de son crâne.

Arrivé au niveau de l'ancienne caserne militaire de Reuilly, un groupe d'une petite centaine d'individus est encerclé. «Libérez nos camarades», hurle le reste de la foule. En vain. Le cortège est forcé d'avancer alors que les jeunes continuent d'être encerclés. Certains parviennent à s'échapper en escaladant les murs. Le reste du groupe est entassé par la police. «Des gens tentaient de pousser pour s'échapper. Ils ont riposté à coups de boucliers et de matraques en nous resserrant encore plus !» témoigne un élève de seconde. «On s'est assis alors que des policiers chopaient des jeunes au hasard. On disait : "Pourquoi lui ? Pourquoi pas moi ?"» Sur le conseil de manifestants, il retient le nom d'un avocat scandé par ses camarades dans l'hypothèse d'une bavure policière. Au final, le groupe reste immobilisé une heure et demie.

La manifestation se poursuit dans le calme, même si les tensions avec la police persistent. Par moments, les forces de l'ordre bousculent les manifestants qui tentent de sortir ou de rejoindre le cortège. Celui-ci est entouré par des policiers sur les gardes. «Ça nous cherche pour rien !» martèle un jeune homme. «Un policier m'a dit que ça lui faisait plaisir de nous matraquer», ajoute Hanna, une lycéenne. Déçue par les violences qui ont vidé le cortège, une jeune femme soupire : «Ça décrédibilise l'image des jeunes.» Malgré les affrontements et les quelque 130 interpellations, le cortège rejoint la place de la Bastille dans une ambiance bon enfant. Vers 13 heures, étudiants et lycéens rejoignent les confédérations syndicales pour lutter contre leur véritable ennemi commun : la loi travail.

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