Faut-il voir une simple coïncidence dans le fait que simultanément le port du voile revient dans le débat public à trois occasions apparemment bien différentes?
Tout d'abord, à propos du burkini, et le sujet n'est pas anodin. C'est à juste titre que Elisabeth Badinter, défenseure incontestable du droit des femmes a pris la défense de la ministre Rossignol qui s'était insurgée contre la mode "musulmane". Plusieurs enseignes n'ont en effet rien trouvé de mieux que d'offrir le burkini à leur clientèle, vêtement qui couvre tout le corps de la femme pour lui permettre soi-disant de pouvoir se baigner en piscine comme si toute femme vivant en France ne pouvait pas se baigner en piscine en maillot de bain. Cette interdiction qui serait faite aux femmes au nom de la "pudeur" vient s'imposer aux lieux et place de la loi républicaine qui est celle de l'égalité. Même si l'expression utilisée par Laurence Rossignol était mal choisie, la revendication de la liberté d'être esclave n'a pas sa place dans l'espace républicain.
Ce nouveau sujet de polémique, car jusqu'à présent l'usage du burkini jamais été revendiqué en France, n'est qu'une nouvelle illustration du recul constant dans l'espace public des manifestations visibles de la liberté des femmes et de l'égalité de leurs droits. Depuis l'affaire de Creil en 1989 et la position parfaitement déraisonnable prise à l'époque par le Conseil d'État, les partisans de la présence religieuse dans l'espace public n'ont cessé de marquer des points. Sans doute, des lois ont-elles été votées notamment sur l'interdiction du port du voile intégral dans l'espace public, mais chacun sait que cette loi n'est en rien appliquée.
Tout se passe en réalité comme si les partisans depuis l'origine du multiculturalisme, qui s'est manifestée en particulier dans le rapport Tuot, n'avaient cessé d'agir en sous-main pour faire progresser leur point de vue. Je ne peux que témoigner, comme le fait Élisabeth Badinter, des mises en garde des femmes démocrates algériennes, venues à Paris au tournant du siècle, contre les risques liés à la pression des islamistes pour contraindre les femmes à se soumettre à la charia, considérée comme une loi supérieure aux lois de la République. Cette stratégie des islamistes intégristes est évidente; ce qui l'est moins c'est celle de leurs alliés, qui sous couvert de liberté des femmes et d'égalité des différents modèles, universalistes ou au contraire fondés sur la sujétion des femmes, ont favorisé cette évolution.
Entre l'injure suprême consistant à traiter le partisan de l'égalité des droits d'islamomophobe et les petites conquêtes permanentes dans la rue, à l'hôpital, à l'école, pour imposer progressivement une loi qui n'est pas celle de la République, la détérioration de la situation est patente. Aujourd'hui, nous n'en sommes plus à défendre de manière évidente la loi républicaine; nous en sommes à essayer d'éviter de nouveaux "progrès" de la vision islamiste de la femme. Le Burkini en fait partie comme première étape d'une banalisation d'une mode musulmane destinée à permettre le respect de la charia, c'est-à-dire la symbolisation de l'infériorité féminine qui doit s'accompagner d'une privation d'aller venir librement, d'une séparation homme femme dans l'espace public sans parler des soins dans les hôpitaux.
Et, comme par hasard, concomitamment, la loi El Khomri, comme si elle n'avait pas assez de sujets de débat vient introduire la reconnaissance des pratiques religieuses à l'intérieur de l'entreprise. Certes, les bons esprits viendront nous dire que cette expression est subordonnée à la bonne marche de l'entreprise. Mais pourquoi légaliser spécifiquement le droit à l'expression religieuse alors que la liberté d'expression existe depuis bien longtemps au sein de l'entreprise et que la jurisprudence a depuis longtemps aussi l'occasion de fixer les règles du jeu? N'est-ce pas pour satisfaire une partie de la gauche, qui confond la défense des opprimés avec celle de la République. Depuis qu'un syndicat situé à l'extrême gauche a cru bon de présenter une candidate voilée à des élections, effectivement il y a un problème.
Et, troisième débat, celui ouvert par les hôtesses de l'air d'Air France qui à juste titre refuse de porter le voile et une tenue couverte différente de leur tenue habituelle pour les vols en direction de Téhéran. S'il n'est pas de notre fait, que le voile puisse être exigé sur le sol iranien, il est en revanche tout à fait anormal qu'il le soit à l'intérieur de l'avion, sur le territoire français et en zone internationale. Ce combat du personnel d'Air France doit être soutenu parce qu'il pose une question de fond. Pourquoi faudrait-il admettre comme normal d'adopter des us et coutumes des autres pays et tout à fait anormal de défendre les nôtres?
Ce sujet est évidemment éminemment politique. À force de mettre la poussière sous le tapis et de tout confondre, nous faisons évidemment le lit des extrêmes. La culture française, les droits de l'Homme, la vocation universaliste nous portent et si l'on peut admettre que d'autres pays les refusent, ce n'est pas une raison suffisante pour abdiquer ce qui a fait et fait toujours notre histoire commune et notre projet de société.
Également sur Le HuffPost: